«Tout d'un coup, dans le petit chemin creux, je m'arrêtai touché au coeur par un doux souvenir d'enfance : je venais de reconnaître, aux feuilles découpées et brillantes qui s'avançaient sur le seuil, un buisson d'aubépines défleuries, hélas, depuis la fin du printemps. Autour de moi flottait une atmosphère d'anciens mois de Marie, d'après-midi du dimanche, de croyances, d'erreurs oubliées. J'aurais voulu la saisir. Je m'arrêtai une seconde et Andrée, avec une divination charmante, me laissa causer un instant avec les feuilles de l'arbuste. Je leur demandai des nouvelles des fleurs, ces fleurs de l'aubépine pareilles à de gaies jeunes filles étourdies, coquettes et pieuses. "Ces demoiselles sont parties depuis déjà longtemps", me disaient les feuilles.»
Nouvelle édition en un volume en 1994, puis en 2001
Après la nouvelle traduction des "Ponts" et du "Palais de glace", la retraduction du chef-d'oeuvre du grand auteur norvégien Tarjei Vesaas qui rend compte avec une grande subtilité de différents états de conscience d'un homme simple d'esprit bouleversé par le possible départ de sa soeur, qui vit avec lui depuis toujours. C'est dans la nature et l'observation des oiseaux qu'il trouve certaines réponses et une interprétation de ses doutes.
Sur la route qui mène de l'enfance à la vieillesse, des joies de Combray à la perte des illusions du Temps retrouvé, Le Côté de Guermantes signe la fin de l'adolescence. On y observe l'aristocratie parisienne à travers les yeux d'un jeune bourgeois. Deux amours impossibles et douloureuses s'y nouent : la passion du Narrateur pour Oriane de Guermantes, et celle de son ami Saint-Loup pour l'actrice Rachel. Le salon mondain est un microcosme qui révèle ce qui intéresse en profondeur le romancier : la lutte de l'intelligence contre la bêtise, la force de la confrontation des points de vue, la richesse de la fluidité des identités.
Le Côté de Guermantes est le témoignage mélancolique d'une époque en transition, qui court à la guerre de 1914. Le spectre de l'affaire Dreyfus plane sur tout le roman et en divise les acteurs. La lucidité et le pessimiste de Proust s'y expriment avec vigueur. Dénonçant le règne des apparences, le romancier met son extraordinaire talent d'observateur au service d'une satire sociale. Il fait de l'ironie une arme de combat, et de la méchanceté un art. Le Côté de Guermantes est le roman le plus drôle de toute la Recherche. Il est aussi le plus sombre : s'y jouent la maladie de la grand-mère du Narrateur, et celle de Swann. Mais par-dessus tout, c'est l'émerveillement devant le mouvement de la vie qui emporte le Narrateur et son lecteur.
À la recherche du temps perdu est une exceptionnelle comédie sociale. Le Côté de Guermantes en est la preuve éclatante.
«Les parties blanches de barbes jusque-là entièrement noires rendaient mélancoliques le paysage humain de cette matinée, comme les premières feuilles jaunes des arbres alors qu'on croyait encore pouvoir compter sur un long été, et qu'avant d'avoir commencé d'en profiter on voit que c'est déjà l'automne. Alors moi qui depuis mon enfance, vivant au jour le jour et ayant reçu d'ailleurs de moi-même et des autres une impression définitive, je m'aperçus pour la première fois, d'après les métamorphoses qui s'étaient produites dans tous ces gens, du temps qui avait passé pour eux, ce qui me bouleversa par la révélation qu'il avait passé aussi pour moi. Et indifférente en elle-même, leur vieillesse me désolait en m'avertissant des approches de la mienne.»
Une journée dans la vie d'une femme. Vivant dans la haute société anglaise, au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'héroïne s'interroge sur ses choix - pourquoi n'a-t-elle pas épousé l'homme qu'elle aimait vraiment, qui lui rend visite ce jour-là? -, ses souvenirs, ses angoisses - pourquoi est-elle si frappée par la mort d'un ancien militaire qui ne s'est pas remis de la guerre, pourtant un parfait inconnu pour elle? Crise existentielle qui mène à un dédoublement de personnalité, aux portes de la folie. Ce grand monologue intérieur exprime la difficulté de relier soi et les autres, le présent et le passé, le langage et le silence, mais aussi de se reconnaître soi-même. Comment s'émanciper du carcan social, comment assumer son identité? Publié en 1925, Mrs Dalloway est le chef-d'oeuvre de Woolf et l'un des piliers de la littérature du XX? siècle. Dans ce roman poétique, porté par la musique d'une phrase chantante et d'une narration incisive, les impressions deviennent des aventures.
JULIETTE Viens, nuit ! Viens, Roméo ! Viens, mon jour dans la nuit. Car sur les ailes de la nuit, tu vas reposer Plus blanc que sur le dos du corbeau la neige, Viens, douce nuit, amoureuse au front noir, Donne-moi Roméo ; et, quand je serai morte, Prends-le, fais-le se rompre en petites étoiles, Lui qui rendra si beau le visage du ciel Que l'univers sera comme fou de la nuit Et n'adorera plus l'aveuglant soleil. (Acte III, scène II)
1898 : en pleine affaire Dreyfus, le Paris fin-de-siècle se divise ; mais c'est un tout autre enjeu qui se trame dans la cour d'un hôtel particulier. La parade amoureuse de Charlus et Jupien - un bourdon autour d'une fleur - révèle au Narrateur la «race maudite» des «hommes-femmes», survivants de Sodome et Gomorrhe. Narrateur et lecteurs deviennent voyeurs. Ainsi, dans cette après-midi printanière, nous sommes bien loin du charme bucolique de Combray et des intermittences du coeur : l'âge adulte et le trouble des désirs émergent brutalement. Honteuse ou heureuse, «l'inversion» inquiète le Narrateur. Albertine lui est-elle acquise ?Mais l'écume des choses n'est rien à côté du chagrin retrouvé au souvenir de la mort de sa grand-mère. Quelles traces laisser, comment se survivre à soi-même ? Dans ce théâtre mondain et politique, la société est, sans le savoir, en pleine transformation.Dernier volume publié du vivant de Proust, Sodome et Gomorrhe est une prouesse de lucidité, d'audace et de modernité sur la société et sur l'individu. Progrès techniques et troubles du genre annoncent un monde nouveau, qui est déjà le nôtre.
Dans la baie de San Francisco, Humphrey Van Weyden, un jeune critique littéraire, est victime d'un naufrage. Loup Larsen, capitaine du phoquier le Fantôme, le repêche et l'emploie de force. Violent, comme tout son équipage, Larsen entend éduquer cet idéaliste candide et en faire un homme à son image, matérialiste et capable de défier la vie sauvage. Larsen est aussi un érudit, qui aime à débattre avec son prisonnier. Si leurs idées les opposent, Humphrey et Larsen sont en réalité les deux faces d'un même être, épris d'absolu, qui oscille entre maîtrise de soi et instinct de survie, entre le bien et le mal dont la force obscure nous emporte.Paru en 1904, Le Loup des mers égale les oeuvres majeures de London, L'Appel de la forêt et Croc-Blanc. Ce roman d'aventures et de mer explore - à l'instar de Moby-Dick, son modèle - les grandes questions de l'existence. Ce qui se voulait une critique de la figure du surhomme se révèle une fable philosophique haletante, qui montre combien toute vie est mise en mouvement par ses contradictions.
Pourquoi Hamlet n'a-t-il pas été écrit par une femme? À cette question, faussement naïve et vraiment provocante en 1929, Woolf répond:car une femme n'aurait pas eu «un lieu à elle» pour écrire. De quel lieu s'agit-il? Espace concret de la pièce de travail où s'isoler; espace temporel où les femmes sont libérées des tâches domestiques; espace mental où elles sont libres de penser. Espace de liberté économique, aussi, qui leur permette de s'assumer seules. C'est enfin l'espace qui reste à créer dans la tête des hommes (et des femmes) pour admettre que oui, les femmes peuvent travailler, penser et écrire à l'égal des hommes. Impeccable démonstration historico-sociale sur les obstacles qui ont conduit les femmes à demeurer dans un état de minorité face aux hommes, Un lieu à soi est un texte hybride, tout à la fois essai, récit autobiographique, fiction utopique et manifeste idéologique. Woolf met sa finesse et son ironie au service d'une cause toujours actuelle.
À la fin de l'été 1839, Henry David Thoreau et son frère aîné John entreprennent un voyage à bord de l'embarcation qu'ils ont fabriquée de leurs mains. Ils vont suivre le cours de la Concord River, puis de la Merrimack River. Quand John meurt trois ans plus tard, Thoreau décide de lui rendre hommage en retraçant leur voyage, à partir de notes qu'il rassemble dans sa cabane de Walden. Il condense son récit en une semaine symbolique, où chaque journée est associée à un thème : la poésie antique, la sagesse orientale, la culture des Indiens d'Amérique... Au rythme du courant, vif ou lent, les paysages traversés sont décrits avec l'oeil poétique du peintre et la précision du scientifique. Et ce périple, qui fut bien réel, devient un voyage initiatique, une véritable épiphanie, dans l'abandon heureux à la Nature et à l'espace des vastes étendues américaines.
Le premier chef d'oeuvre de la littérature grecque et européenne. L'Iliade raconte le siège de Troie par les armées grecques, qui dura dix ans. L'oeuvre a nourri vingt siècles de littérature et d'art. L'abondance des personnages, le romanesque des situtations, les nombreuses tragédies que renferme l'épopée, l'alliance des dieux et des hommes, les leçons politiques, la violence des conflits, la beauté des scènes, la poésie font la richesse d'une oeuvre de près de 15 000 vers qui se lit sans reprendre haleine.
HAMLET Voici l'heure sinistre de la nuit, L'heure des tombes qui s'ouvrent, celle où l'enfer Souffle au-dehors sa peste sur le monde. Maintenant je pourrais boire le sang chaud Et faire ce travail funeste que le jour Frissonnerait de voir... Mais, paix ! D'abord ma mère. Oh, n'oublie pas, mon coeur, qui elle est. Que jamais Une âme de Néron ne hante ta vigueur ! Sois féroce mais non dénaturé. Mes mots seuls la poignarderont ; c'est en cela Que mon âme et ma voix seront hypocrites ; Mon âme ! aussi cinglantes soient mes paroles, Ne consens pas à les marquer du sceau des actes ! (Acte III, scène II).
Ce roman est le compte rendu à la fois nostalgique et espiègle de la randonnée qu'effectua Stevenson avec une ânesse obstinée dans les Cévennes en 1878. Tandis que l'animal réinvente, à mesure de sa fantaisie, le chemin du voyage, son maître se prend peu à peu aux joies de l'errance. Éloge de la lenteur et du goût pour l'inutile, Voyage avec un âne dans les Cévennes nous invite «à voir le monde comme une bohème non pas vraiment raffinée, mais glorifiée et pacifiée.» (Henry James)
Alors que Napoléon, son modèle, est à jamais défait, Julien Sorel est condamné à grandir dans une famille mesquine, à vivre dans une province trop étroite. Soldat privé de bataille, il ne lui reste que le coeur des femmes à faire saigner. Ce sera d'abord Mme de Rênal, jeune femme mélancolique dont il est devenu le précepteur des enfants. Arrivé à Paris, il séduira Mathilde de la Mole, jeune et fougueuse aristocrate, non pour sa fortune mais par défi. Tous se retrouveront dans le claquement des pistolets.Stendhal puise dans un fait divers sanglant la singularité tranchante de son roman. Loin d'une fresque abstraite, Le Rouge et le Noir a tout d'un corps rouge du sang qui s'y écoule, noir de la poudre qui y brûle.«Le Rouge et le Noir : esthétiques et valeurs», dossier pédagogique spécial Bac de français : Un roman réaliste ? (Un arrière-plan historique... mais un réalisme subjectif).Les valeurs du personnage romanesque (Un héros de roman... mais des caractéristiques ambigües).Lectures linéaires (Premier portrait de Julien Sorel ; rencontre de Julien et de Mme de Rênal ; la fin de Julien).Textes complémentaires : le topos de la rencontre amoureuse (Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves ; Marivaux, La Vie de Marianne ; Flaubert, L'Éducation sentimentale).
Ce court roman (deuxième partie de Du côté de chez Swann) contient tout ce qu'on aime lire : une peinture sociale, celle de l'immortel clan Verdurin et du cercle aristocratique de Mme de Saint-Euverte, dans les années 1880 ; une histoire d'amour et de jalousie, mettant en scène un dandy et une courtisane ; des réflexions sur l'art (peinture et musique) ; le comique et le tragique ; le passage du temps et le phénomène de mémoire involontaire ; enfin, un récit tout en analyse et des dialogues étincelants, et bien souvent hilarants. Proust a mis ici tout ce qu'il pense et sent sur l'amour. Roman qui condense toute la Recherche, confession intime cryptée, Un amour de Swann est un chef-d'oeuvre dont le sens est caché sous de multiples enveloppes, métamorphoses, synthèses et fusions - profondeur que n'épuise jamais la lecture.
Écrit sous un pseudonyme masculin, paru en 1847, Hurlevent est le premier et le seul roman d'Emily Brontë, qui mourra un an plus tard. Ce livre aux péripéties violentes, qui fit scandale et fascina des générations d'écrivains - de Virginia Woolf à Patti Smith, en passant par Georges Bataille -, raconte l'histoire d'un amour maudit, dont l'échec pèse sur toute une famille et sur deux générations, jusqu'à l'apaisement final.
«Emily était pareille à un petit volcan qui, endormi, aurait pourtant bouillonné sans arrêt et aurait craché sa lave dans les mots et les actions des personnages qu'elle avait choisis. [.] Son esprit sans entrave n'a pas créé un monde propret. En écrivant Hurlevent, elle n'a pas offert ce que les gens souhaitaient : elle a offert ce qu'elle avait.» Patti Smith.
En publiant Casse-pipe dans la Pléiade en 1988, Henri Godard parlait de ce roman comme d'un texte «mutilé» et il déplorait «la perte du reste». Sans doute espérait-il que ce «reste» sortirait un jour des oubliettes. Rien ne permettait alors de prévoir que ce seraient des milliers de feuillets, concernant des projets romanesques inconnus (Guerre et Londres), ou attestés mais perdus (La Légende du roi René et La Volonté du roi Krogold), ou encore déjà publiés en partie (Casse-pipe), voire en totalité (Mort à crédit et Guignol's band), qui referaient surface, comme ce fut le cas dans l'été de 2021. Les manuscrits n'avaient donc pas été mis au feu : ils hibernaient.Leur importance est considérable. Tous concernent la première moitié de l'oeuvre romanesque de Céline. Pour l'essentiel, ce sont des récits autonomes, et non pas des «avant-textes» de romans publiés par leur auteur (mais quelques-uns relèvent de cette catégorie et ils sont passionnants). S'ils peuvent avoir l'apparence de brouillons, ils ne sont les brouillons que d'eux-mêmes. Ils ont (au moins) deux intérêts : ils favorisent une meilleure compréhension de la manière dont l'oeuvre romanesque de Céline s'est constituée, et ils valent pour eux-mêmes, comme des récits inattendus et captivants.Que nous apprennent-ils ? Par exemple que ce qu'on appelle le «cycle de Ferdinand» n'a pas toujours été composé de Mort à crédit, de Casse-pipe et de Guignol's band (1936-1944). Que Guerre, Londres et le manuscrit retrouvé de Mort à crédit jouent un rôle dans l'affaire. Que la légende du roi Krogold (ou René) n'a cessé de passionner Céline. Ou encore que des liens étroits unissent Guerre et Casse-pipe.Les thèmes et la tonalité des récits retrouvés sont immédiatement reconnaissables : si les textes sont encore, stylistiquement, en chantier, leur univers, lui, est entièrement célinien. La découverte, dans Guerre, de personnages et de situations que l'on connaissait par Casse-pipe est l'une des émotions fortes que peut éprouver un amateur de Céline. On en dirait autant de la rencontre avec le Dr Yugenbitz de Londres, prototype du Clodovitz de Guignol's band. Ou de la présence, dans un récit aussi étrange que Krogold, d'une idée centrale dès Voyage, celle de la vie vécue comme une agonie.Pour recueillir ces nouveautés, deux volumes de la Pléiade ont été remis en chantier. Dans le premier (1932-1934), les textes réapparus en 2021 figurent sous un intitulé, Textes retrouvés, qui traduit leur statut et rappelle qu'il s'agit de manuscrits, non de romans mis au point par Céline. De même, dans le deuxième (1936-1947), les séquences nouvelles de Casse-pipe sont réunies sous la rubrique Scènes retrouvées. Quant aux éditions des romans publiés du vivant de Céline, elles ont été revues et enrichies d'appendices nouveaux. Du manuscrit et du dactylogramme de Voyage, qui n'étaient pas accessibles dans les années 1980, il a été tiré des transcriptions révélatrices. Le passionnant manuscrit de travail de Mort à crédit,
Parfois, au moment de disparaître dans les flots, le soleil lance sur l'océan une ultime et brève fulgurance: ce fameux rayon vert qui, d'après une légende écossaise, confère à ceux dont il a frappé les yeux le pouvoir de voir clair dans les sentiments et les coeurs.Alors que ses deux oncles et tuteurs, Sam et Sib Melvill, se proposent de la marier à un jeune savant de leurs relations, Aristobulus Ursiclos, la jeune Helena Campbell émet le souhait de contempler le rayon vert. Comment lui refuser ce voyage, au cours duquel, espèrent-ils, elle se laissera convaincre daccepter l'époux qu'on lui propose? ce qu'ils ne prévoient pas, c'est qu'un jeune artiste-peintre, Olivier Sinclair, va bousculer tous leurs plans.Avec ce roman imprégné de ses souvenirs de voyage en Ecosse, Jules Verne semble vouloir prendre ironiquement le contrepied du reste de son oeuvre. Ici, l'esprit positif et scientifique, incarné par l'ennuyeux et pédant Aristobulus, cède devant l'art, la rêverie, l'imagination poétique, dans une histoire d'amour contée en souriant. Illustrations de l'édition originale Hetzel
Dès le réveil, été comme hiver, le temps parisien entre par la fenêtre du Narrateur, frontière entre le monde et l'intime. «Ce fut surtout de ma chambre que je perçus la vie extérieure pendant cette période.» Car, profitant d'une absence de sa mère, il a installé chez lui la femme aimée, Albertine, passagère clandestine qu'il tient cachée et surveille à chaque sortie, dans la crainte qu'elle lui préfère tel autre homme ou telle femme. Comment la retenir ? Faut-il dorer la cage du bel oiseau, cadeau après cadeau, dans une débauche de luxe ? Renoncer pour elle à sortir, à voyager, à vivre, en se consumant d'une jalousie sans objet ? Fou d'amour et de douleur, il se fait peu à peu le prisonnier de sa prisonnière. Tandis qu'Albertine devient la geôlière de son geôlier. L'amour est-il la valse mélancolique de deux victimes consentantes ? Dans ce magnifique roman introspectif paru en 1923, Proust développe magistralement sa vision de la jalousie, corollaire nécessaire de l'amour. Cet extraordinaire huis-clos est le récit d'une passion démesurée, qui se dévore elle-même. La Prisonnière offre l'une des plus belles réflexions de la littérature sur l'impossibilité de l'amour, pourtant éternellement recommencé.
Le Second Empire vise à faire de Paris la capitale de la mode et du luxe. La ville se modernise. Les boutiques du Paris ancien laissent place peu à peu aux grands magasins, dans le voisinage des boulevards et de la gare Saint-Lazare. La nouvelle architecture illustre l'évolution des goûts : on entre dans le royaume de l'illusion. Octave Mouret, directeur du Bonheur des Dames, se lance dans le nouveau commerce.L'exploit du romancier est d'avoir transformé un épisode de notre histoire économique en aventure romanesque et en intrigue amoureuse. Rien d'idyllique pourtant : le magasin est construit sur un cadavre ensanglanté, et l'argent corrompt tout. Pour Zola, la réussite du grand magasin s'explique par la vanité des bourgeoises et le règne du paraître. Il nous décrit ici la fin et la naissance d'un monde : Paris, incarné ici dans un de ses mythes principaux, devient l'exemple de la cité moderne.
Au cours de la guerre de Sécession, cinq Nordistes : l'ingénieur Cyrus Smith et son chien Top, le reporter Gédéon Spilett, le Noir Nab, le marin Pencroff et le jeune Harbert, prisonniers des troupes séparatistes, se sont enfuis en balIon. Pris dans la tempête, ils échouent sur une île déserte, en plein océan Pacifique.
Ingénieux, persévérants, les cinq compagnons, pourtant privés de tout, ne tardent pas à s'organiser, à vivre presque normalement. D'ailleurs, l'île, qu'ils baptisent du nom de Lincoln, offre des ressources admirables et tout à fait inattendues. Mais une série de faits inexplicables, des coïncidences troublantes les obligent à croire à la présence d'une puissance mystérieuse qui les épie sans cesse et conduit leur destinée, leur imposant sa volonté par des voies détournées, intervenant pour les sauver aux moments critiques...
L'Ile mystérieuse, un des très grands romans de Jules Verne, cet enchanteur aux charmes inépuisables.
Traduction neuve de «La Divine Comédie» entreprise par Danièle Robert, qui prend enfin en compte, dans notre langue, l'intégralité de la structure élaborée par Dante. Animée d'un souffle constant, ne se départant jamais, dans sa fidélité même, de la valeur poétique, cette traduction permet d'aller plus avant dans la découverte de la beauté inventive, de la puissance, de la modernité de ce chef-d'oeuvre universel.
En publiant Casse-pipe dans la Pléiade en 1988, Henri Godard parlait de ce roman comme d'un texte «mutilé» et il déplorait «la perte du reste». Sans doute espérait-il que ce «reste» sortirait un jour des oubliettes. Rien ne permettait alors de prévoir que ce seraient des milliers de feuillets, concernant des projets romanesques inconnus (Guerre et Londres), ou attestés mais perdus (La Légende du roi René et La Volonté du roi Krogold), ou encore déjà publiés en partie (Casse-pipe), voire en totalité (Mort à crédit et Guignol's band), qui referaient surface, comme ce fut le cas dans l'été de 2021. Les manuscrits n'avaient donc pas été mis au feu : ils hibernaient.Leur importance est considérable. Tous concernent la première moitié de l'oeuvre romanesque de Céline. Pour l'essentiel, ce sont des récits autonomes, et non pas des «avant-textes» de romans publiés par leur auteur (mais quelques-uns relèvent de cette catégorie et ils sont passionnants). S'ils peuvent avoir l'apparence de brouillons, ils ne sont les brouillons que d'eux-mêmes. Ils ont (au moins) deux intérêts : ils favorisent une meilleure compréhension de la manière dont l'oeuvre romanesque de Céline s'est constituée, et ils valent pour eux-mêmes, comme des récits inattendus et captivants.Que nous apprennent-ils ? Par exemple que ce qu'on appelle le «cycle de Ferdinand» n'a pas toujours été composé de Mort à crédit, de Casse-pipe et de Guignol's band (1936-1944). Que Guerre, Londres et le manuscrit retrouvé de Mort à crédit jouent un rôle dans l'affaire. Que la légende du roi Krogold (ou René) n'a cessé de passionner Céline. Ou encore que des liens étroits unissent Guerre et Casse-pipe.Les thèmes et la tonalité des récits retrouvés sont immédiatement reconnaissables : si les textes sont encore, stylistiquement, en chantier, leur univers, lui, est entièrement célinien. La découverte, dans Guerre, de personnages et de situations que l'on connaissait par Casse-pipe est l'une des émotions fortes que peut éprouver un amateur de Céline. On en dirait autant de la rencontre avec le Dr Yugenbitz de Londres, prototype du Clodovitz de Guignol's band. Ou de la présence, dans un récit aussi étrange que Krogold, d'une idée centrale dès Voyage, celle de la vie vécue comme une agonie.Pour recueillir ces nouveautés, deux volumes de la Pléiade ont été remis en chantier. Dans le premier (1932-1934), les textes réapparus en 2021 figurent sous un intitulé, Textes retrouvés, qui traduit leur statut et rappelle qu'il s'agit de manuscrits, non de romans mis au point par Céline. De même, dans le deuxième (1936-1947), les séquences nouvelles de Casse-pipe sont réunies sous la rubrique Scènes retrouvées. Quant aux éditions des romans publiés du vivant de Céline, elles ont été revues et enrichies d'appendices nouveaux. Du manuscrit et du dactylogramme de Voyage, qui n'étaient pas accessibles dans les années 1980, il a été tiré des transcriptions révélatrices. Le passionnant manuscrit de travail de Mort à crédit,