"Déjà quinze années d'existence pour les « chroniques » A Ciel Ouvert d'Antoine Maxime. Et depuis 2020, elles passent deux fois le dimanche matin, à 6 h 10 pour ceux qui se lèvent tôt et pour les autres à 8h 20. Les auditeurs de RCI sont de plus en plus nombreux à encourager l'auteur à poursuivre ces émissions qui ouvrent la réflexion sur une nouvelle série de sujets « qui parlent à chacun d'entre nous » selon les témoignages reçus.
« Nous les humains » comme il aime à le dire, que faisons-nous de nous-mêmes (saw »ka fè épi ko'w) ? Conscients de notre fragilité, comment nous traitons nous, traitons-nous nos semblables et notre environnement naturel à travers nos fêtes ? Que faisons nous de nous à travers les événements de notre vie personnelle, familiale, sociale, devant la maladie, la mort, des fléaux tels que l'inceste ? Quel rôle joue dans notre vie et notre société l'idée illusoire de notre toute puissance, celle d'un Dieu « tout-puissants » à travers nos religions si nombreuses dans notre société antillaise ? Autant de thèmes et bien d'autres encore qui nourrissent les réflexions des auditeurs du dimanche matin et que reprennent ces « Nouvelles Chroniques »."
Cet essai renverse le regard porté sur les récits d'arrivées dans les grandes villes : et si ces « romans d'apprentissages », ces « romans de migrations », au lieu d'être des trajectoires d'émancipation, n'étaient-ils pas plutôt des romans d'ensauvagement ? La ville, l'urbanité n'est pas le stade ultime de la civilisation : au sein de sociétés capitalistes et inégalitaires, c'est bien le mythe positif de la ville contemporaine qu'il faut revoir à nouveaux frais. À partir des chefs-d'oeuvre de Proust, d'Osman Lins, de Naipaul, de Bolaño et d'Oates, l'auteur s'attache à définir ce qu'il entend par « mondains sauvages » : lorsque la ville est une erreur, un cauchemar, les personnages travaillent à leur propre dépossession. Les villes sont malades, trouées, névrosées - dessinant des paysages labyrinthiques. Luciano Brito analyse, au plus près de la phrase, comment émerge une poétique sous le signe du devenir-végétal de l'urbain. Les métaphores botaniques, les lianes, la forêt, les listes d'algues : quelques pistes pour penser nos nouvelles urbanités. Le croisement audacieux des grands romanciers du XXe siècle à travers le monde propose ainsi une vision renouvelée des grandes villes, du bidonville à la mégapole, de l'agglomération branchée aux faubourgs sales.
Édouard Glissant, Nadine Gordimer, Abdelkebir Khatibi, Valentin-Yves Mudimbe, Wole Soyinka : ces cinq théoriciens postcoloniaux ont en commun d'avoir renouvelé le genre de l'essai et d'en avoir fait un outil d'expérimentation littéraire. Revenant à la poétique de l'« entreglose » qu'avait développée Montaigne, Florian Alix montre comment l'essai postcolonial entend dérouter les catégories avant tout littéraires, mais aussi identitaires, nationales, politiques. À la fois intellectuel et écrivain, l'essayiste entend faire de l'écriture de soi une forme critique à même de penser l'universel. L'essai postcolonial est un genre-carrefour, un genre de la transgression, qui traite de la ségrégation, du Tout-monde et de notre rapport au commun.
Ces cinq essayistes postcoloniaux tirent parti de leur subjectivité pour porter un discours politique sur le monde, penser l'hybridité des cultures, défaire les rigidités nationales.
Les quarante-huit contes de ce recueil viennent tous de l'Atakora, une région montagneuse du nord-ouest du Bénin.
Ils ont été regroupés en trois parties. Les " contes de l'origine ", merveilleux, fantaisistes, nous obligent à regarder le monde d'un oeil nouveau : pourquoi le ciel et la terre sont-ils séparés ? Depuis quand les hommes ont-ils des testicules ? Pourquoi les singes ont-ils le derrière glabre ?... Les " leçons de choses " nous parlent de la vie quotidienne et des conflits entre les hommes. Les personnages, toujours humains, y apparaissent comme des modèles du bien ou du mal.
Le " cycle du lièvre " enfin, met en scène cet animal malicieux, attachant dans certains contes, étrangement cruel dans d'autres, généralement d'un orgueil démesuré.
« Vous allez découvrir un pan noir de ma vie. Ce récit n'a pour but ni de choquer ni de m'exhiber inutilement. J'ai souhaité mettre des mots sur ce mal qui me rongeait. Il fallait que je dépose ce poids à terre afin de m'en détacher, d'analyser et de comprendre ce qui m'était arrivé, pour tourner la page et avancer. Aujourd'hui, cette délivrance est achevée. Cette histoire ne m'appartient plus. Et pourtant, elle est là et sera toujours présente à ceci près que maintenant je suis maître de mon corps. En espérant que ces quelques lignes puissent sauver des petites filles de cette barbarie. » A travers un récit mi-fiction, mi-autobiographique, le lecteur découvrira l'itinéraire d'une jeune femme révoltée, assoiffée d'autonomie et de reconnaissance. Mariama est en effet encore prise dans les filets de traditions comportant leur part de conservatisme et d'obscurantisme.
Ce livre-témoignage, écrit souvent avec colère, peut se rattacher à la littérature existentialiste dans laquelle l'individu exprime sa quête de liberté. Il est aussi le cri d'une jeune femme moderne dont les origines et l'histoire l'amènent parfois à se voir apatride dans ce monde globalisé, où elle doit se faire sa propre place et se réinventer .
Les vingt-quatre contes de ce recueil ont été recueillis il y a près de cent trente ans au sud du Mozambique et dans ce qui est devenu la province sud-africaine du Transvaal.
L'auteur du recueil, Henri-Alexandre Junod, un missionnaire suisse protestant originaire du Jura neuchâtelois, célèbre ethnographe, féru de botanique et surtout d'entomologie, a accordé aux textes le même souci de précision qu'il mettait dans ses travaux de naturaliste. Cela nous vaut une anthologie d'une grande fraîcheur où tout sonne juste. On ressent aussi tout le respect et toute l'admiration que Junod avait pour ses conteurs et conteuses.
Le livre est divisé en quatre parties : (1) les contes d'animaux (où l'on voit toute une petite faune aux prises avec beaucoup plus gros qu'elle) ; (2) la sagesse des petits : les plus faibles des humains, par leur intelligence ou par le secours surnaturel qu'ils savent obtenir, triomphent de la condition humiliante dans laquelle ils étaient maintenus ; (3) les contes d'ogres : ces personnages monstrueux sont parfois difformes, parfois mangeurs d'hommes, mais toujours effrayants ; (4) les contes moraux mettent en scène des personnages qui refusent de se plier aux règles de la société, faites de respect pour l'autorité parentale, notamment, et qui apprennent leurs torts à leurs dépens.
Le conte du Petit Détesté, l'un des plus longs, nous fait voir un homme, marié à plusieurs épouses qui, à sa grande satisfaction, lui mettaient au monde des souris ; sauf l'une qui n'accouchait pas : on la méprisait et on lui jetait de la cendre. Sur les conseils de la Colombe, elle s'entaille le genou et y introduit un pois, qui deviendra un véritable enfant. Sa mère est obligée de le confier à l'Hippopotame, qui l'emmène avec lui dans le fleuve...
Le répertoire du conteur martiniquais Félix Modock, enchâssé dans le premier tome du recueil Folk-Lore of the Antilles, French and English publié en 1933 par Elsie Clews Parsons, participe à la vaste entreprise de recension de l'oralité créole menée par la folkloriste américaine à travers l'arc caribéen. Malgré ses rééditions complètes ou partielles, il est longtemps resté méconnu, faute d'avoir été perçu dans sa réalité générique de corpus syntagmatique, émis par un énonciateur unique. Le petit planteur estropié du Morne Rouge, à la réputation sulfureuse, a pourtant composé une oeuvre singulière, en présentant trente-trois contes créolophones dont il a fixé lui-même à l'écrit la majeure partie en 1924. La présente édition critique, donnant à voir le répertoire de Félix Modock dans sa graphie originelle et accompagné d'une traduction systématique en français, poursuit l'ambition de lui rendre sa visibilité et sa lisibilité par le dévoilement de son unité et sa cohérence de ses formes, tonalités, thématiques et enjeux. Elle entend ainsi restituer au patrimoine littéraire antillais une oeuvre originale qui apporte un témoignage inédit sur les phénomènes de passage de l'oralité à la scripturalité.
"La lecture écopoétique des littératures africaines s'intéresse aux moments où des textes se nouent à des lieux pour lancer l'alerte sur un état du monde menacé par une catastrophe écologique dont la genèse coloniale reste encore peu explorée.
Parce que l'extractivisme qui a présidé à l'aventure coloniale a soumis le continent à une gigantesque opération de zonage dont il souffre encore aujourd'hui, se réclamer des lieux est un enjeu important pour les littératures africaines.
Dès la première moitié du XXe siècle, des écrivains anticolonialistes ont cherché à capter la puissance des lieux pour mener leur combat contre l'exploitation économique et la réification culturelle. Les trois poétiques présentées dans cet ouvrage sont les phases d'un même processus décolonial qui affirme une expérience des lieux : donner corps aux lieux pour défaire les territorialités impériales ; détourner les hyper-lieux pour enrayer la fluidité du marché global de l'image ; laisser résonner les hypo-lieux pour rompre le silence du déni.
Revisitant l'histoire littéraire africaine, Xavier Garnier livre une lecture écopoétique d'auteurs aussi divers que Senghor, Ahmadou Kourouma, Ben Okri, Yvonne Vera, Ngugi Wa Thiong'o ou encore Sinzo Aanza et Abdourahmane Waberi."
Prenant acte de la mondialisation de la littérature, Désiré Nyela entend renouveler la pensée de la francophonie : « littérature-monde », « littératures de la périphérie », « littératures mineures » ont été autant de concepts élaborés pour appréhender l'expérience linguistique de l'écrivain francophone.
Proposant le concept de « littératures de la traversée », Désiré Nyela met d'abord l'accent sur la traversée des champs littéraires : il s'agit pour ces auteurs de s'imposer dans le champ culturel global par l'inventivité, le détour, pour repenser les enjeux de territoire et de langue. À qui appartient la langue française ? De quel territoire parle la littérature ?
Désiré Nyela affronte ces questions fondamentales à partir de l'analyse des postures et des textes des écrivains majeurs de la francophonie. C'est un parcours qui nous est proposé à travers l'universalisme de Yambo Ouologuem, la dé-nationalisation de la littérature chez Dany Laferrière qui se prétend « écrivain japonais », ou encore le refus de l'africanité de Kossi Efoui. Bouleversant les mythologies nationales et identitaires, Désiré Nyela interroge la portée transnationale des littératures et la manière dont la figure du lecteur est réinvestie par une perspective mondiale.
Les contes de ce recueil ont été enregistrés dans l'est de la Guinée-Bissau, dans les villes de Gabú et de Pitche entre 2013 et 2014. Ce sont des textes dits aussi bien par des hommes que par des femmes, adultes ou jeunes, parfois des enfants. Ils ont été énoncés en langue créole, qui est la langue véhiculaire du pays. Ils constituent une partie de l'immense richesse de la tradition orale de la Guinée-Bissau, trop peu connue jusqu'à présent.
Il faut dire que l'habitude des veillées où l'on conte se perd avec les nouveaux styles de vie et les distractions offertes par les nouveaux médias ; mais les radios locales prennent souvent le relais avec des émissions régulières où interviennent des conteurs et des conteuses. La mémoire de ces récits reste encore vive, surtout chez les femmes.
Les 51 contes du présent volume sont vraiment des contes créoles. Ils intègrent des éléments de cultures différentes, traditionnelles et modernes. Conteurs et conteuses appartiennent certes chacun à une ethnie particulière (surtout Mandjaks, Balantes, Mancagnes), mais ils parlent le créole comme langue véhiculaire. D'autres conteuses et conteurs appartiennent au groupe nommé Kristons di Djiba ou « Chrétiens de Geba », dont le créole est la langue maternelle. Tous, dans la région de Gabú, habitent au milieu d'autres populations, surtout des Peuls et des Mandinka.
Ces récits sont avant tout des paroles d'hommes et de femmes où se dit, de manière ludique ou parfois mystérieuse, le toujours énigmatique voyage de l'homme en ce monde, en compagnie de ses semblables.
Le présent volume de contes kapsiki a été recueilli à Mogodé trente-six ans après le précédent (Contes kapsiki du Cameroun). Nous avons voulu voir comment le genre avait évolué et s'était transformé en deux générations.
La vie, par bien des côtés, s'est améliorée localement : la mortalité infantile a sérieusement diminué. La scolarisation a progressé dans tous les villages. Mogodé est devenu sous-préfecture et un lycée y est en construction.
Le premier fait remarquable, dans les contes, est que le personnage d'Écureuil demeure le grand décepteur autour duquel tournent les meilleures histoires ; son monde est toujours un heureux mélange de bien et de mal, d'entente et de mensonge, d'amusement et de violence. On relève de nouveaux thèmes, comme celui du frère qui sauve ses aînés après avoir été rejeté par eux, sur le modèle de l'histoire de Joseph trahi par ses frères.
Autre fait important : naguère, l'antagoniste d'Écureuil était Panthère, mais maintenant c'est devenu Hyène. Désormais, Éléphant a presque disparu, comme Scorpion et Porc-Épi, mais Tortue est devenu plus populaire.
Il y a toujours quelques contes étiologiques qui expliquent l'origine d'un phénomène naturel. Par exemple : « Pourquoi Poule ne vole pas », et « Les cynocéphales et leur queue » où l'on apprend dans quelles circonstances ces singes se sont dotés d'un appendice caudal.
Malgré plusieurs centaines d'auteurs actifs, la bande dessinée n'est toujours pas une industrie culturelle à part entière sur le continent africain. Le manque de distributeurs et diffuseurs et de soutien des pouvoirs publics, l'absence de formation et la faiblesse du pouvoir d'achats expliquent en partie cette situation. De fait, la production en matière de BD se limite essentiellement à de l'autoédition et la diffusion se fait souvent sur un mode artisanal, de la main à la main ou via des manifestations littéraires. Au milieu de ce désert éditorial, la Côte d'Ivoire fait figure d'exception. Dotée d'une tradition ancienne en matière de bande dessinée (les premières apparitions datent des années 60), s'appuyant sur une presse vivace et largement diffusée, le 9e art ivoirien a acquis ses lettres de noblesse et constitue une réelle source de rayonnement dans la culture locale. L'exemple le plus frappant est le journal d'information et de BD, Gbich!, véritable phénomène de société qui, après avoir tiré jusqu'à 40 000 exemplaires à la fin des années 1990, a entraîné la création d'un véritable groupe de presse national touchant à plusieurs domaines (radio, studio d'animation, presse généraliste, ingénierie culturelle, etc.).
Ce livre revient sur près de 60 années de parcours d'un art qui, importé de l'occident au départ, est devenu l'un des marqueurs identitaires forts du pays et constitue un exemple frappant de maturation d'une BD à la fois typiquement nationale et modèle pour les autres pays francophones.
Conservateur général des bibliothèques, Christophe Cassiau- Haurie est spécialiste de la BD du sud (Afrique, Maghreb, Outre-mer français, Océan Indien...). Il est l'auteur d'une dizaine d'essais et de nombreux articles.
Féru de dialogue entre les religions, habité depuis toujours par l'idée d'un Universel offrant sa place à l'indépendance des esprits et des coeurs de toute obédience, l'auteur de ce roman reste un infatigable chercheur d'unité.
En cette période trouble que vit une partie du monde en proie à la montée de l'islamisme radical, certaines régions de France isolées semblent épargnées du danger. Dans son village, Issa, enfant de la DASS, est aimé de tous. Ne porte-t-il pas pourtant un prénom bizarre (Jésus en arabe) qui l'intrigue. Pourquoi sa mère, morte le jour de sa naissance, son père, tué dans un accident de la route, son grand-père harki disparu sans laisser d'adresse, lui ont-ils légué ce petit nom énigmatique ? Il demandera à un ami chrétien de l'initier aux rudiments de cette religion dont il porte l'emblème. Marqué pronfondément par cet enseignement, il n'en restera pas moins un agnostique convaincu.
Contraint d'intégrer la pension en ville pour continuer ses études, il est confronté à de jeunes radicaux qui lui mènent la vie dure. Écartelé entre son pacifisme viscéral et le fondamentalisme qui l'environne, il fait la connaissance d'une étudiante de dernière année de médecine. Ce sera le grand amour mais les deux sont victimes d'un attentat sanglant. Leur disparition consterne la région. Après un long état de mort clinique, Issa réapparaîtra en compagnie du chirurgien qui l'a tiré d'affaire. Affecté de visions stupéfiantes concernant Jésus et Mahomet, celui-ci accepte de seconder le professeur dans ses recherches sur le cerveau.
Ce livre explore en profondeur les origines et les conséquences des fondamentalismes qui affectent toutes les religions et qui en dénaturent les différents messages. Féru de dialogue entre les religions, habité depuis toujours par l'idée d'un Universel offrant sa place à l'indépendance des esprits et des coeurs de toute obédience, l'auteur de ce roman reste un infatigable chercheur d'unité.
"24 août 2001. Il était environ deux heures trente du matin. Il faisait une chaleur étouffante dans les rues de Paris. Ismaël marchait pesamment sur le boulevard de la Chapelle, un baluchon au dos. Depuis son départ de Côte d'Ivoire, il avait fait des dizaines de kilomètres à pied, peut-être une centaine. Il avait faim, très faim, comme tous les jours depuis plusieurs semaines. Affaibli, amaigri, il découvrait les contours fuyants de sa silhouette osseuse dans le reflet des vitrines des magasins. Pendant qu'il marchait, toutes ses pensées allaient à Armand, son frère jumeau. Il ne le suivrait pas dans cette aventure.
Lui et quelques autres ne viendraient pas en Europe.
Le destin en avait décidé ainsi. Ismaël et Armand étaient séparés pour la première fois. Et cette séparation était ce qu'il avait connu de pire. Le temps adoucirait sûrement la brûlure du présent ; une douleur vive, prégnante. Un être cher de plus s'ajoutait au manque. Coupé de sa moitié, il devait poursuivre son chemin et se battre pour que tout cela n'eût pas servi à rien. Il puiserait sa force dans cet avenir incertain."
Venue chercher un acte de naissance dans la région où elle est née, la vieille Morjane, qui séjourne alors chez sa petite-fille, fait une rencontre inattendue. Chtoukiya et elle se sont connues à Fès il y a soixante ans, elles ont vécu dans la même maison et ont partagé le lit du même homme, mais elles ne pensaient jamais se revoir. Cette rencontre inopinée libère un flot de souvenirs en Morjane et intrigue sa petite-fille. Au Maroc, au début du XXe siècle, des femmes venaient encore, sous la contrainte, grossir le cheptel des harems du pays. Enlevées dans les campagnes marocaines, elles étaient vendues au plus offrant partout dans le royaume. Esclaves, concubines ou épouses, obligées de vivre sous le même toit, elles se sont liées d'amitié ou haïes, mais elles sont restées unies par le drame de leur arrachement, souvent très jeunes, à leur famille. Dans ce premier roman, Souad Benkirane nous livre avec pudeur et justesse la vie de sa grand-mère, qui a partagé l'histoire de ces femmes, et qui a su faire face, avec force et philosophie, aux différentes saisons de la vie, tantôt acides, tantôt lumineuses.
Lorsqu en 1991 le Front Polisario signe après 16 ans de guerre le cessez le feu permettant à la mission mandatée par l ONU, la Minurso, d organiser un référendum d autodétermination au Sahara Occidental, personne n imagine que près de 20 ans plus tard la République arabe sahraouie démocratique (RASD) sera encore une république en exil, celle du peuple sahraoui, réfugié en plein désert algérien dans ces camps de l oubli. Pourquoi rien ne bouge au Sahara Occidental, dernière colonie d Afrique, depuis plus de trois décennies ? Pourquoi continue-t-on à faire de l aide d urgence ou à mettre en place éducation et formations qualifiantes pour un avenir hypothéqué par le gel du processus de la décolonisation ? « Qu avons-nous de moins que les espèces animales et végétales que vous protégez ? » me demandait une amie sahraouie. Humanitaire, je fais partie de ceux qui entendent ou se posent ces questions et doivent les relayer à qui de droit. J ai choisi de le faire, avec les armes émoussées de la parole et de l écriture. Transmettre, c est aussi vouloir être contagieux de soi-même. Vivant depuis deux ans dans mes familles d accueil, j ai voulu témoigner de la vie quotidienne par le récit, par les portraits esquissés, par la poésie, de cette réalité oubliée ou ignorée depuis 35 années. De mes notes prises chaque jour est né peu à peu un journal lors de mes retours à Alger. Ce « Cri des pierres », puisque les hommes font preuve d un silence assourdissant, est entre vos mains aujourd hui.
La formation d'ethnologue d'Ina Césaire constitue le fondement de sa création littéraire et dramatique. Native de la Martinique et à l'écoute de la mémoire vivante de son pays, elle a enregistré, traduit et analysé des contes créoles pendant plus de vingt années et a étudié les discours oraux du registre populaire liés aux pratiques ordinaires comme aux grands rituels de la vie et de la mort. Du conte à composantes merveilleuses ou irrationnelles au récit spontané, le passage est ouvert à la théâtralisation. C'est par son travail sur des récits de vie qu'Ina Césaire s'est d'abord initiée à la création dramatique, marquée tant par son humour bienveillant que par son regard critique et constructif. Le présent volume offre un ensemble fort diversifié de pièces allant du bref monologue à la suite de tableaux historiques, du théâtre de rue humoristique au fait divers pathétique, groupées en quatre pôles thématiques. Échos du volcan est axé sur Saint-Pierre de la Martinique et la catastrophe de 1902. Ce premier regroupement comporte quatre pièces sur le thème de la montagne Pelée, volcan dont la masse imposante a créé autant de peurs bien réelles que d'évocations imaginaires. Chroniques insulaires : on trouve ici l'évocation de plusieurs pans de l'histoire caribéenne et de personnages qui l'ont marquée : la rebelle du Sud martiniquais, Rosanie Soleil, le révolutionnaire « mythique » d'Haïti, Toussaint Louverture, les navigateurs, les esclaves et les colons en Martinique au XVIIe siècle. Gens d'ici met en scène la vie trop souvent ignorée de ceux qui font le monde actuel : les gens du peuple qui travaillent, qui luttent, qui souffrent ou qui sont heureux, sans d'autres hauts faits que ceux de la transmission des valeurs et de l'autocritique permanente, élément caractéristique de la culture créole traditionnelle. Zones d'ombre veut lever une partie du voile qui masque les non-dits de la société martiniquaise en évoquant certaines des déviances contraignantes ou douloureuses qui, souvent d'origine historique, pèsent encore sur le pays : désagrégation du consensus social, heurts familiaux, violences, incommunicabilité et solitudes modernes.
Roman d'homme ou de femme ? Telle est de nos jours l'une des premières questions que se pose le lecteur d'une oeuvre de fiction. La réponse qu'il y donne modèlera son regard sur le texte. Les différences gestuelles et orales jouent un rôle dans la spécification des rapports interpersonnels. Comment peut-on repérer et interpréter ces différences dans les textes littéraires ? Quelle place faut-il accorder aux débats sur la domination du masculin, à l'hypothèse d'une crise des identités de genre ?
Curieusement, dans les textes littéraires, l'étude sémiologique des gestes et de la parole a, jusqu'à présent, fait l'impasse sur la sociologie du genre. Le présent ouvrage vient à point pour analyser le rapport masculin/féminin à partir d'une représentation du corps et de ses activités : "Des hommes et des femmes se côtoient dans l'espace textuel : chacun se comporte dans cette situation spécifique en fonction de son sexe et de son ethnie. Toute cette étude autour de la corporéité (oralité et gestualité) se décline à partir de ce concept."
Entrer dans l'oeuvre d'Edouard Glissant, c'est découvir un langage hybride, déconcertant, une poétique où se mêlent écrit et oral, flamboyance et mots rêches, humour et mélancolie. Comment forger, à partir de la plus grande confusion des points de vue, des voix, des valeurs, des styles, un langage apte à "répondre à la situation", à démasquer le "délire verbal" et à transformer la réalité par de nouveaux symboles ? Il y faudra un "déparler" fait de multiples éclats de paroles, d'histoires "raboutées" et de détours dans le "tout-monde".
Dans beaucoup de ces contes, recueillis chez les Malinké et les Badiaranké de Guinée, le personnage central doit réaliser la traversée symbolique d'un fleuve ou d'un autre espace dangereux, métaphore du passage initiatique.
Pour parvenir sur l'autre rive, il faut l'indispensable médiation des autres, que ce soient des êtres humains ou des êtres surnaturels résidant en brousse.
Tous ces récits abordent la question de la traversée de la vie. Comment parcourir heureusement ce chemin qui commence entre les mains des autres, et qui s'achève quand on vous emporte en terre pour aller rejoindre le " grand Village " ?
après de nombreux recueils centrés sur l'ethnie, nous avons pensé que le moment était venu d'offrir aux lecteurs une petite anthologie où se retrouveraient la majorité des peuples sénégalais.
le conte occupe la place centrale dans ce recueil, qu'il mette en scène les animaux ou les hommes, ou bien qu'il explique l'origine des poissons, du soleil et de la lune. on trouvera aussi une légende religieuse consacrée à l'un des grands marabouts du sénégal, ainsi que quelques textes mythiques.
« C'était à la suite d'une folle promesse que Paul vivait dans la montagne ».
Jeune couple éperdument amoureux, Paul et Nina sont tous les deux perméables à l'absurde. Alors quand Nina, par jeu, demande à son ami rugbyman de renoncer un temps au crépuscule, il ne s'en émeut qu'à moitié. Pourtant, cette expérience peu banale pourrait bien avoir des conséquences inattendues.
D'autant qu'une infertilité chronique fait basculer progressivement la jeune femme dans un avenir morose. Malgré la joie de vivre de Sophie, une jeune trisomique que le couple accueille, Nina plonge.
Elle cherche alors un bouc émissaire à mettre sous la dent de sa détresse. En écho, la vie lui livre tout un bestiaire expiatoire. Un silure que Sophie dit oracle. Un chat flegmatique. Et même Iris, l'amante de Paul.
Plongé au coeur d'une nature sublime et étrange, ce court roman initiatique -plus que polar-, vif et drôle, aborde les sujets de la maternité, de l'amitié, du temps. Celui aussi, du droit à la sexualité des personnes handicapées.
En équilibre instable entre réalité et un rien de fantastique, l'intrigue rythmée suscite une troublante petite musique (de jazz !), celle des jeux de l'absurde et du hasard.
L'émergence et le maintien des espaces en marge constituent un phénomène global qui appelle un travail d'anthropologie comparée. Cet ouvrage met en miroir les camps de réfugiés palestiniens au Liban et les favelas brésiliennes. Bien que nés dans des contextes historiques et politiques très différents, la condition actuelle des camps et des favelas, aux marges de la ville et de l'État, invite au rapprochement. Au Liban, la situation des réfugiés palestiniens est des plus difficiles au regard des autres communautés de la diaspora palestinienne, l'intégration des Palestiniens dans la société libanaise ayant toujours représenté une menace pour l'équilibre confessionnel du pays. Au Brésil, si les habitants des favelas sont, en principe, des citoyens brésiliens, ils se situent de facto aux marges politiques, économiques, sociales et juridiques de la société, la favela étant considérée comme l'espace de la criminalité et de la drogue. Amanda Dias s'intéresse aux processus sociaux et identitaires qui se développent à l'intérieur de ces espaces marqués par la précarité et la stigmatisation, ainsi qu'aux interactions avec l'État et la société dans laquelle ils s'insèrent. En privilégiant une approche ethnographique dans le camp de Beddawi et la favela d'Acari, elle révèle les stratégies de survie de leurs populations et l'existence d'importants réseaux d'entraide au sein du camp et de la favela. Elle accorde, enfin, une attention particulière à ceux qu'elle identifie comme les « intellectuels des marges », artistes et militants, portes d'entrée microsociologiques pour comprendre la condition des réfugiés, des favelados et de leurs lieux de vie. L'exercice comparatif ne se réduit pas à pointer similitudes et différences, il ne prétend pas non plus à la création d'un modèle explicatif globalisant mais porte la promesse d'un regard renouvelé. Docteur de l'École des hautes études en sciences sociales (Paris) et de l'Université de l'État de Rio de Janeiro, Amanda Dias est chercheur associé au Laboratoire d'anthropologie urbaine et au Centre de recherches sur le Brésil colonial et contemporain. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Brésil(s). Sciences humaines et sociales et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs, en français, en portugais et en anglais