Qui sait ce qui se passe réellement aujourd'hui derrière les murs des classes préparatoires ? Accusées de tous les maux - fabriquer des crétins ou désespérer leur jeunesse - ou célébrées comme formation d'« élite » - dans l'oubli de sa contribution à la reproduction sociale -, les « prépas » sont en réalité très mal connues. Cette première enquête ethnographique sur les classes préparatoires vient donc combler un manque et remettre en question nombre d'idées reçues.
Au travers d'une analyse très originale de l'« institution préparatoire », Muriel Darmon nous montre quels types de sujets y sont « fabriqués ». Elle met ainsi au jour les dispositifs de pouvoir qui s'y exercent, la manière dont l'institution produit une certaine forme de violence envers les élèves tout en étant soucieuse de leur bien-être, comment elle opère en individualisant à l'extrême plutôt qu'en homogénéisant et comment, ce faisant, elle renforce sa prise sur les individus.
L'enjeu est de transformer les élèves en « maîtres du temps », aimant gérer l'urgence et haïssant les temps morts, et de leur faire intégrer un savoir critique légitime tout en valorisant leur capacité à appliquer des « recettes ». Ce faisant, c'est aussi à devenir dominant, à s'adapter aux nouvelles exigences du monde du travail et à y occuper des positions élevées que les prépas forment la jeunesse.
À partir du cas de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), du milieu des années 1960 jusqu'à la fondation, en 2009, du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), ce livre apporte un éclairage inédit sur les transformations de l'engagement, en analysant les phénomènes de la production sociale de la révolte et des idéologies en politique, et les mobilisations qui ont cherché à changer la vie... militante.
Le renouveau des gauches radicales en Europe a suscité un regain d'intérêt à leur égard. Toutefois, peu d'études se sont intéressées aux individus qui militent contre le capitalisme, pour un autre monde. Qui sont ces hommes et ces femmes ? Quels parcours personnels, quelles expériences nourrissent l'audace de penser qu'on peut changer la société ? Comment ces engagements se sont-ils transformés et renouvelés ? Grâce à une enquête au long cours combinant entretiens, observations et analyses statistiques, ce livre propose une sociologie de l'engagement anticapitaliste en France du milieu des années 1960 aux années 2000. À travers le cas de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) devenue Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), l'auteure interroge les liens entre les évolutions du recrutement partisan et celles à l'oeuvre dans la société et explore les trajectoires et les pratiques des militants, leurs visions du monde, leurs questionnements et leur idéal, pour apporter un éclairage inédit sur les nouveaux visages de l'anticapitalisme à l'aube du XXIe siècle.
Ce faisant, l'ouvrage invite à penser sous un nouveau jour de grandes questions de société, comme celle de la fin des utopies, la prétendue désaffection des jeunes pour la politique, la production sociale de la révolte ou encore ce que signifie prendre parti aujourd'hui. Il rend compte d'une aventure à la fois minoritaire et universelle : la contestation de l'ordre établi.
Un taliban met le feu à une pellicule photographique, tout en permettant à un reporter de photographier la scène. Cette scène (qui figure en couverture de l'ouvrage) révèle la relation ambiguë que certaines civilisations entretiennent avec l'image. Les exemples ne manquent pas en effet, dans l'histoire des sociétés, de condamnation des images et, d'une manière plus générale, des représentations : le rejet de la fiction et de l'imitation dans une partie de la tradition philosophique occidentale (Platon, Rousseau) fait écho à Calvin condamnant l'adoration des reliques, ou aux Cisterciens qui considéraient les vitraux comme l'expression d'une luxure décadente.
À partir d'une analyse comparée des cultures orientale, occidentale, et africaine depuis deux mille ans, l'auteur explore notamment l'irrégulière répartition géographique et temporelle des images dans les sociétés humaines. Empruntant ses exemples à un large contexte culturel (la sculpture africaine Mangbetu, le théâtre médiéval, l'art classique grec, les statues de Bouddha ou le roman anglais), il explique en particulier comment les représentations écrites évoluent pendant et après les révolutions. Il met en lumière ce qui se dissimule derrière leur absence ou leur suppression.
En mettant au jour leurs conditions d'existence sociales et économique, cette enquête exceptionnelle permet de pénétrer les aspects les plus concrets du travail de dizaines d'écrivains contemporains.
Bien que les écrivains soient l'objet d'une grande attention publique, force est de constater qu'on les connaît en réalité très mal. Faute d'enquêtes sérieuses, on se contente bien souvent de la vision désincarnée d'un écrivain entièrement dédié à son art. Et l'on peut passer alors tranquillement à l'étude des textes littéraires en faisant abstraction de ceux qui les ont écrits. Ce livre fait apparaître la singularité de la situation des écrivains. Acteurs centraux de l'univers littéraire, ils sont pourtant les maillons économiquement les plus faibles de la chaîne que forment les différents professionnels du livre . À la différence des ouvriers, des médecins, des chercheurs ou des patrons, qui passent tout leur temps de travail dans un seul univers professionnel et tirent l'essentiel de leurs revenus de ce travail, la grande majorité des écrivains vivent une situation de double vie : contraints de cumuler activité littéraire et second métier , ils alternent en permanence temps de l'écriture et temps des activités extra-littéraires rémunératrices. Pour cette raison, Bernard Lahire préfère parler de jeu plutôt que de champ (Pierre Bourdieu) ou de monde littéraire (Howard S. Becker) pour qualifier un univers aussi faiblement institutionnalisé et professionnalisé. Loin d'être nouvelle, cette situation de double vie - dont témoignaient Franz Kafka et le poète allemand Gottfried Benn - est pluriséculaire et structurelle. Et c'est à en préciser les formes, à en comprendre les raisons et à en révéler les effets sur les écrivains et leurs oeuvres que cet ouvrage est consacré. Il permet de construire une sociologie des conditions pratiques d'exercice de la littérature. En matérialisant les écrivains, c'est-à-dire en mettant au jour leurs conditions d'existence sociales et économiques, et notamment leur rapport au temps, il apparaît que ni les représentations que se font les écrivains de leur activité ni leurs oeuvres ne sont détachables de ces différents aspects de la condition littéraire.
Une étude sociologique montre comment la prise en compte de la précocité intellectuelle par l'institution scolaire amène la psychologie clinique à se poser comme source légitime de singularisation des élèves dans les secteurs les plus indifférenciés de l'école massifiée où l'augmentation de la concurrence pousse les parents à faire mesurer et reconnaître la grande intelligence de leurs enfants.
« Cet auteur ne cesse pas d'offenser », disait de Stendhal le philosophe Alain. De fait, Stendhal offense, heurtant les opinions convenues et bousculant les modèles reçus de la représentation. Il y va d'une forme d'engagement qui naît à même l'écriture, engagement d'abord littéraire, qui met en jeu le roman dans sa forme et ne craint pas de transgresser les règles implicites qui le gouvernent. Jacques Dubois montre dans ce livre que ce grand écrivain des enchantements amoureux est aussi le romancier le plus authentiquement politique que la France ait connu au XIXe siècle, décrivant sans pitié la glaciation que connut la société française durant la Restauration et la monarchie de Juillet. Tout le problème de Stendhal est en réalité de conjuguer deux mondes apparemment incompatibles, celui de la politique et celui de l'amour. Sa solution : faire de la passion amoureuse le lieu même de l'opposition politique. Or, dans ce jeu complexe, ce sont les femmes qui entraînent des héros moins résolus, tels que Fabrice Del Dongo et Julien Sorel, dans des actes éclatants de profanation symbolique. Plus généralement, la sociologie romanesque de Stendhal décrit chez ses personnages une lutte individuelle et collective pour la reconnaissance, qui met en cause tant le déterminisme des appartenances que les tyrannies du quotidien. Des personnages qui en disent long sur les rapports de société et sur ce que l'évidence de ces rapports dissimule. Au gré de ces épisodes, une science du social se fait jour, une science vagabonde, qui ne se réclame pas d'un programme explicite. Mais la lecture de Jacques Dubois montre aussi à travers quels biais l'auteur du Rouge et le Noir, au-delà de ses ambitions esthétiques, a ouvert la voie aux sciences sociales et les a accompagnées dans leurs développements.
Levine enquête à la fois sur le langage utilisé pour décrire et classer les biens culturels aux états-Unis, sur les institutions culturelles mises en place par les élites urbaines pour imposer leurs normes, et sur les pratiques des spectateurs et leurs formes de résistance. Il met en évidence un processus de « sacralisation de la culture » et de « bifurcation culturelle » : la riche « culture publique partagée » qui caractérisait les états-Unis jusqu'au milieu du XIXe siècle se serait fracturée en une série de cultures séparées et hiérarchisées.
Norbert Elias, au panthéon des sociologues du XXe siècle, s'est attaché à éclairer sur le long terme le processus de formation de la civilisation européenne, La Civilisation des moeurs et La Dynamique de l'Occident (1939). Il a montré que, parallèlement à la monopolisation de la violence physique par l'Etat, les normes de comportement avaient peu à peu évolué dans le sens d'une autocontrainte, d'une meilleure maîtrise des affects et des pulsions. D'où son intérêt pour la psychologie et sa rencontre avec la psychanalyse freudienne, en plein essor tandis qu'il étudiait la médecine, la philosophie puis la sociologie. Pourtant, son rapport à Freud, central, demeure mal compris. Difficile en effet d'admettre qu'un « sociologue » pût être « freudien » (reprenant à son compte le schéma du développement de l'être humain de l'enfance à l'âge adulte défini par Freud), tout en privilégiant une perspective sociologique autonome, centrée sur l'explication du développement des sociétés sur la longue durée. Elias est resté fidèle à ce choix, ce dont témoignent les cinq textes de ce recueil, inédits en français. Après avoir abordé, dans les quatre premiers textes « Le domaine de la psychologie sociale » (1950) ; « Sociologie et psychiatrie » (1969-1972) ; « La civilisation des parents » (1980) ; « Civilisation et psychosomatique » (1988), des thèmes liés à la psychologie au sens large, dans le cinquième texte, le plus long, « Le concept freudien de société et au-delà », que la mort d'Elias laissa inachevé, la figure de Freud passe au premier plan. Elias y propose une analyse critique de la conception antagoniste des rapports entre l'individu et la société et du mythe du Père primitif. Il montre que le caractère répressif de la société, toujours conséquence des relations de pouvoir entre les groupes sociaux, est susceptible d'évoluer et, avec lui, la structure de la personnalité individuelle, les mécanismes de la régulation psychique. Un optimisme sociologique qu'Elias oppose au pessimisme freudien. Pour Elias, l'erreur fondamentale de Freud est de ne pas avoir inscrit sa théorie dans la théorie biologique de l'évolution, ce qui l'a conduit à élaborer une théorie improbable du fondement de la société. La psychanalyse aurait ainsi trahi à ses yeux sa vocation de science intermédiaire entre sciences naturelles et sciences sociales. A la fin de sa vie, Elias a honoré son rendez-vous avec la psychanalyse, avec ce texte majeur qui peut être considéré comme son testament intellectuel.