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pascal commère
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Les histoires que conte Pascal Commère lui sont inspirées par les humbles vies - bêtes et hommes -, les existences perdues attachées à la terre que sa mémoire a enregistrées depuis l'enfance ou rencontrées dans son âge d'homme. Et c'est dans le remâchement de l'écriture qu'elle prennent forme et même, réellement, vie depuis ses «forêts intérieures», puisque aux forêts il revient toujours pour retrouver «cette vieille odeur d'humus qui de si loin remonte ».
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Un enfant mène en solitaire une existence décalée, dans l'ombre des grands chevaux et le souffle de leurs naseaux sur la paille. Entre une mère bientôt endeuillée, un frère qui lance des cailloux dans les vitres, et un père qui, peu après, se tuera à l'entraînement, il laisse s'installer en lui cette lente fascination qui le conduira à devenir lui-même jockey. En parallèle, avec un bout de crayon, sur des bons de commande ou de vieux catalogues, l'enfant confie sa détresse à la présence bienveillante des chevaux. Ainsi, et comme on apprend à se tenir en selle, se fait ce long apprentissage de l'écriture qui lui permettra un jour de tracer la première phrase de la lettre qu'il adressera à Monsieur le Comte et qui décidera de sa vocation.
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C'est la campagne bourguignonne entière qui, dans ces notes de carnet, résonne. Neige, lacs, soleil, humeurs des saisons, femmes, hommes et bêtes qui peuplent ces terres et leurs hameaux?: tous se délivrent en souvenirs, anecdotes et citations. Le langage règne, il est défenseur de l'imperceptible, de l'instant savouré et de la contemplation. Le lecteur, carnet en main, accompagne le randonneur qui parcourt ce terroir pour en saisir la substance.
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Cornes et mamelles ; les Meuh-moires d'une vache
Pascal Commère, Pascal Dibie, Jacques Lacarrière, Pascal Boulage
- Obsidiane
- 10 Mai 2024
- 9782381460291
Et puis ça s'arrête à tout bout de champ, une vache, mire
son image dans les flaques avant que de faire halte pour
de bon au ruisseau. Elle a posé son mufle. C'est comme ça
que je l'aime, la tête penchée sur l'eau. Comme c'est facile
alors de scruter son habit, les grandes taches sur sa robe
dont certaines ont l'exact tracé d'un continent, peut-être
bien l'Afrique, il me faudra vérifier. Et puis quel calme soudain.
Du fouet de sa queue, elle chasse méthodiquement les
mouches (car c'est l'été), indifférente aussi bien à son reflet
sur l'eau qu'à la danse des libellules au-dessus des menthes.
Une perle blanche brille au bout d'un trayon. Ce qu'elle
peut boire tout de même ! Cependant que je pense au lait,
si précieux (quoique d'utilité contestée actuellement, mais
que ne conteste-t-on pas ?) et tellement nécessaire en des
périodes (ou des pays) où l'on ne mange pas toujours à sa
faim. Buffon, déjà : « Sans le boeuf, les pauvres et les riches
auraient beaucoup de peine à vivre. » Et je ne parle pas du
beurre, ni du fromage. Pas plus que de la bouse, encore que
Chaissac y eût recours pour quelques-unes de ses compositions.
Plus prosaïquement je songe aux femmes mongoles,
un panier à l'épaule, j'ai vu ça en septembre, ramassant sur la
steppe les bouses sèches, unique combustible pour alimenter
le petit poêle trônant au centre de la yourte.
Pascal Commère -
Le narrateur de ces récits, qui exerce la profession de comptable en milieu rural, nous mène à la rencontre de personnalités que la campagne a façonnées - cultivateurs, éleveurs, bûcheron -, méfiantes, taiseuses, voire ombrageuses, «le noir petit monde obstiné de l'agriculture», attaché à une terre «qui blesse plus qu'elle n'apporte, quand même elle gratifierait chaque jardin d'un pied de lilas en fleur en avril, d'une touffe d'oseille acide. (...) Avec cette peur de l'inconnu, du nouveau, qui rejoint celle d'être grugés. Après quoi ils s'en remettaient à l'homme de l'art : comptable, vétérinaire, représentant en aliments, inséminateur, quand ce n'était pas au démarcheur de la Caisse locale, avec circonspection toutefois, un minimum de méfiance grâce à quoi ils accueillaient la possibilité de ne pas s'être fait avoir.» Et c'est à l'écrivain - homme de l'art formidable de raconter en même temps que témoin empathique - que nous nous en remettons pour voir exister encore un peu, dans l'infime de leurs vies oubliées, ces êtres devenus dérisoires à force d'inactualité, condamnés à la disparition prochaine, et qui pourtant nous disent, muettement, ce que nous avons été.
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Animal : hiver 2024
Esther Tellermann, Pascal Commère, Hervé Piekarski, Valérie Rouzeau, Marc Graciano
- Lettres Verticales
- 27 Novembre 2024
- 9782958102630
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Tashuur, qui désigne dans la langue mongole, le fouet qui sert à dresser les chevaux, est un ensemble de poèmes né des notes de voyage prise par Pascal Commère lors d'un séjour en Mongolie, à l'automne 2005.
Passionné par les chevaux, il était allé sur les traces des fameux cavaliers des steppes et de leur non moins fameuses montures ! On retrouve dans ces pages toute la singularité langagière de cet auteur qui, tant poète que prosateur, est certainement une figure éminente de la littérature contemporaine. Une vraie connaissance des hommes proches de la terre et des bêtes, de leurs douloureuses aventures et de leurs bonheurs forts, donne à ce livre une gravité non dénuée d'humour mais qui est marquée par une empathie réelle nourrie par la vérité de ce monde difficile.
Ainsi le cavalier (mongol ou autre) fait-il corps avec son cheval, et réciproquement. Mais ce que Pascal Commère analyse le mieux, et transfigure par le poème, est l'affrontement des savoirs ancestraux et mystérieux avec la modernité : la yourte et Internet, le hurlement du loup et le vrombissement d'une Jeep sur la steppe... Quant à la langue du poète, précise et rugueuse mais toujours attentive à un certain lyrisme narratif fermement contraint, elle rend parfaitement les gestes, les paroles et les faits quotidiens des hommes enchâssés dans un univers strict, qui les dépasse et que pourtant ils tentent de maîtriser.
Certains passages de Tashuur ont paru en revue, notamment dans PO&SIE.
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Attendant comme presque chaque jour celui qui est devenu pour lui une sorte de grand frère à la mort de son père, le narrateur, un enfant pour qui les mots sont un recours contre sa solitude, se confie au pan de mur contre lequel il prend appui. C'est alors que chacune des pierres qu'il effleure de la main lui raconte une histoire, puis une autre, une autre encore... Toutes ayant trait à des personnages dont l'ombre un instant, s'attardant sur le mur, laisse derrière elle un pan de vie, réel ou fantasmé, ainsi qu'en véhiculent les histoires ou les contes. Autant de facettes qui s'entremêlent, autant de voix dont la polyphonie, qui ne manque pas de poésie, instaure un univers, celui d'une enfance à la campagne en un temps, pas si lointain, où les villages n'abritaient pas que des néo-ruraux. Toutes choses que l'enfant, devenu adulte et habitant en ville désormais, aurait oubliées, si la nouvelle de l'accident tragique arrivé à Yan, le grand frère, ne l'avait brutalement confronté à un autre mur - celui d'un couloir d'hôpital cette fois -, en même temps qu'à une autre attente, au cours de laquelle il revoit, mosaïque aux couleurs tantôt vives tantôt blessées, ce qu'a été pour lui, instant après instant, cette étrange amitié dont seule une langue qui s'approche au plus près des mots peut rendre compte.
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Des laines qui éclairent ; une anthologie, 1978-2009
Pascal Commère
- Le Temps Qu'Il Fait
- 18 Octobre 2012
- 9782868535665
«Tenté à certaines périodes de dresser, au plus près, inventaire de ce qui nous entoure et n'est riche que de son existence, banale faut-il dire, triviale. Mais concrète, et cependant - en raison de cela - propre à infiltrer le poème d'éléments du réel rejetés d'ordinaire parce que provenant de la vie de tous les jours, et notamment du monde du travail, si peu présent en poésie. Alors que demeure, y compris - surtout - dans les esprits formés naguère aux humanités, une manière d'emphase propre à tout ce qui touche à la terre, et n'imaginant pas qu'on puisse la loger dans des mots qui, prenant en compte rudoiements, crevasses d'hiver aux doigts des saisonniers, font langue de ça, si ce n'est cals. À l'inverse, une lecture par trop distante, et fortement médiatisée, ne retient de la terre que sa fonction alimentaire, certes non négligeable. Qu'en est-il de ceux qui y vivent ? De leur quotidien? Appelé à vivre parmi eux, à partager au quotidien leurs soucis administratifs, notamment, me voici embarqué dans un mouvement qu'un geste d'écriture ramasse, sans autre projet (immédiat) que prendre mesure au présent d'une ardeur ignorant tout d'elle-même.»
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Prévision de passage d'un dix cors au lieu-dit goulet du maquis
Pascal Commère
- Obsidiane
- 8 Novembre 2006
- 9782916447001
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Nous ne sommes pas seuls. Des êtres nous accompagnent sur la page, marchant à nos côtés depuis les premiers balbutiements, alors que le geste d'écriture n'est pas encore sorti du brasier qu'il nourrit. Les raisons qui le motivent demeurent lointaines. Et obscures. Pour le lecteur, aussi bien que pour le narrateur - tout jeune garçon d'abord, avant qu'il ne découvre qu'écrire questionne précisément ce mystère.
Sans prétendre déceler l'origine d'un tel geste, il arrive que s'imposent à nous certains instants étroitement liés à ce besoin vital qui ne nous quittera plus, comme à la manifestation de son désir. Essentiels instants, quoique prélevés dans la vie de tous les jours, qui désignent le chemin, s'ils ne l'ont pas tracé. Et d'où surgissent, en un monde avivé du seul pouvoir des mots, bien que peu ouvert aux livres, quelques-unes des silhouettes qui, pour n'avoir pas toujours mesuré la portée de l'engagement ni partagé sa réelle nécessité, ne l'ont pas découragé. Au point d'en accompagner les premiers pas, secrètement, et, chacune à sa façon, d'en favoriser les prémices.
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Faire vivre ensemble, à travers quelques séjours ou voyages (certains plus agréables que d'autres), différents instants de vie ou états d'esprit, confrontant, dans une approche sensible à l'altérité, ce qu'il faut bien nommer l'ici et l'ailleurs, non sans constater que ces "expériences" poétiques, qui appellent chacune une écriture, voire une forme propres, pourraient, à l'échelle de l'auteur - et au-delà qui sait ? - traduire l'espérance de joie qu'il nous faut, en dépit d'une inquiétude justifiée, malgré tout préserver.
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Honneur au fantassin G conscrit en Meuse
Pascal Commère
- L'Idee Bleue
- Le De Bleu
- 4 Mai 2001
- 9782840311256
En donnant à ce livre le titre d'une des suites qui le composent, l'auteur ne charge-t-il pas la métaphore, par un clin d'oeil appuyé à la soldatesque - dans ce qu'elle a de plus populaire, de plus humble en son orgueil défait, ô biffin ! -, de signifier en ses lieux et place ce qu'a de grandiose, malgré tout, et de dérisoire, la vie en ses occupations multiples d'un homme ordinairement "en campagne", croisé ici, après bons et loyaux services, comme sur le retour.
Retour de guère, de si peu, dira-t-on.
Conçu au cours de l'automne 1999, durant une "résidence d'écrivain" à rochefort-sur-loire, au temps des grandes manoeuvres, ce livre, s'il répond avant tout - et de toujours - à une commande intérieure, pourrait être celui d'un compagnonnage, à divers titres du reste. " relevé de campagnes " notamment, tenu au jour le jour, lors de maintes batailles plus ou moins héroïques.
D'oú un cheminement un peu désolé parfois, un peu brutal, parmi l'ordre vicinal des plantes et des bêtes, toutes créatures pliant comme nous sous le barda commun. en leur seule gloire !.
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La grand'soif d'andre frenaud - salutation
Pascal Commère
- Le Temps Qu'Il Fait
- 13 Juin 2001
- 9782868533319
" Je relis André Frénaud.
Assurément, il coule beaucoup de vin en ces pages. Notamment dans les trois premiers livres (Il n'y a pas de paradis, Les Rois mages, La Sainte Face) où il affleure dans maints poèmes, tenu dans l'ombre de la voix, prêt à faire irruption, à épouser la chair des mots... Profitant - à moins qu'il ne le génère, comme s'il s'agissait d'un autoportrait en creux - d'un étrange dédoublement, avec la présence de l'Autre (Il) dans le miroir.
Cet autre à qui s'adressent au soir les ivrognes, en leur grande solitude, amusant en même temps qu'apeurant les enfants, attirés par cette déroute de propos à bâtons rompus avec le vide. Que saura-t-on de lui, sinon qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau au poète ? Qui plus est : Il mâche avec mes dents. Il boit plus que ma part. "
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D'un pays pale et sombre autres salutations
Pascal Commère
- Le Temps Qu'Il Fait
- 10 Mai 2004
- 9782868534002
Quelques salutations parmi les admirations littéraires de Pascal Commère : Jean-Claude Pirotte, Jean-Loup Trassard, Serge Wellens, André Frénaud, Jacques Chessex, William Faulkner, Franck Venaille et Gustave Roud.
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Les histoires que nous livre ici Pascal Commère pourraient s'ouvrir par Il était une fois. Un Petit Perrault, un " aventurier de nos cantons ruraux ", un " petit prince des laitières ", autant de personnages venus de l'enfance villageoise , " arpenteurs de pâtures en culottes courtes " entre les ombres des chevaux, figures d'un monde qui n'est pas si lointain et pourtant déjà presque disparu. Mais le monde que nous dépeint ce magnifique prosateur - dans un souffle ample et profond - n'a rien d'un monde de légende. Il est rude, souvent fait de solitude, au ras de la terre vers laquelle tous ceux-là se sont penchés durant leur vie.
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Emmanuel Berry a photographié la collection d'oiseaux naturalisés du Musée de Sens, " formes d'animaux définitivement non voyants ", méthodiquement offerts à nos fantasmes encyclopédistes et pourtant sentinelles semblant guetter pour l'éternité et nous renvoyant face à nous-mêmes. Ses drôles de portraits - en rien éventés - sont accompagnés par la prose frappante et sensible de Pascal Commère qui leur fait escorte d'une fiction traversée d'oiseaux, vivants ou morts, et riche d'une profonde tendresse pour le destin des hommes les plus humbles et silencieux.
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Ces poèmes s'imposèrent à moi plus que je ne les choisis, obéissant à un émerveillement intérieur qui mêlait et l'air et la terre, dont je ne pris conscience que plus tard. Rien de prémédité, donc, rien de décidé. C'est comme si la voix des herbes s'était à mon insu substituée à la mienne, ou plutôt comme si le monde se muait en une vaste prairie, au coeur de laquelle s'instaurait, répondant à un mouvement infime mais permanent, une conversation qui, prenant les herbes comme sujet, cherchait à même la terre, en leur être propre, la réponse à une question dont les termes m'échappaient. Cela restera pour moi une énigme. Qu'ont signifié ces herbes au coeur de mon attente, qu'avaient-elles à me dire ? Tantôt droites tantôt ployées, elles se tenaient là, messagères d'un temps pris sur le temps, lequel pouvait bien s'arrêter. C'est alors que je me retrouvai seul avec elles, un peu herbe moi-même.
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" L'histoire de Petit Soleil commence au lever du jour. C'est l'histoire d'une ombre, comme toutes les histoires que je lis sur le mur quand je t'attends. Et l'ombre de Petit Soleil tourne lentement au ras des pâtures. Et les pâtures où tourne son ombre appartiennent au maquignon. Alors le maquignon peut dire : je possède toutes les pâtures et j'ai aussi Petit Soleil. "