« Ainsi donc, aucun de nous deux n'est en vie au moment où le lecteur ouvre ce livre. Mais tant que le sang continue de battre dans cette main qui tient la plume, tu appartiens autant que moi à la bienheureuse matière, et je puis encore t'interpeller d'ici jusqu'en Alaska. Sois fidèle à ton Dick. Ne laisse aucun autre type te toucher. N'adresse pas la parole aux inconnus. J'espère que tu aimeras ton bébé. J'espère que ce sera un garçon. J'espère que ton mari d'opérette te traitera toujours bien, parce que autrement mon spectre viendra s'en prendre à lui, comme une fumée noire, comme un colosse dément, pour le déchiqueter jusqu'au moindre nerf. Et ne prends pas C.Q. en pitié. Il fallait choisir entre lui et H.H., et il était indispensable que H.H. survive au moins quelques mois de plus pour te faire vivre à jamais dans l'esprit des générations futures. Je pense aux aurochs et aux anges, au secret des pigments immuables, aux sonnets prophétiques, au refuge de l'art. Telle est la seule immortalité que toi et moi puissions partager, ma Lolita. »
Le château d'Ardis - les Ardeurs et les Arbres d'Ardis - voilà le leitmotiv qui revient en vagues perlées dans Ada, vaste et délicieuse chronique, dont la plus grande partie a pour décor une Amérique à la clarté de rêve - car nos souvenirs d'enfance ne sont-ils pas comparables aux caravelles voguant vers la Vinelande, qu'encerclent indolemment les blancs oiseaux des rêves ? Le protagoniste, héritier de l'une de nos plus illustres et plus opulentes familles, est le Dr Van Veen, fils du baron «Démon» Veen, mémorable personnalité de Reno et de Manhattan. La fin d'une époque extraordinaire coïncide avec la non moins extraordinaire enfance de Van. Il n'est rien dans la littérature mondiale, sauf peut-être les réminiscences du comte Tolstoï, qui puisse le disputer en allégresse pure, innocence arcadienne, avec les chapitres de ce livre qui traitent d'«Ardis».
« Mon amour pourrait emplir dix siècles de feu, de chants et d'exploits - dix siècles entiers, immenses et aériens, pleins de chevaliers gravissant des montagnes ardentes, de géants légendaires, de Troie en fureur, de voiles orange, de pirates et de poètes. ».
Dans les plus belles lettres à sa femme Véra, Vladimir Nabokov se révèle en amoureux adorateur et indéfectible, inventeur de génie des mots doux les plus fous, en filigrane de sa trajectoire d'écrivain.
Voici un roman de Vladimir Nabokov inédit en français. Mécontent de la traduction anglaise de Chambre obscure qui était la version initiale de Rire dans la nuit, Vladimir Nabokov, exilé aux Etats-Unis, décida en 1937 de se traduire lui-même. Ce défi linguistique donna une oeuvre nouvelle et transformée, à "la précision absolue", évidente comme un axiome au pessimisme froid : "Il était une fois à Berlin, en Allemagne, un homme qui s'appelait Albinus. Il était riche, respectable et heureux. Un jour il abandonna sa femme pour une jeune maîtresse ; il aimait ; n'était pas aimé ; et sa vie s'acheva en catastrophe." Sous l'apparence d'un mélodrame berlinois, d'une comédie de moeurs, à trois, où l'on trompe et où l'on est trompé, Nabokov fait jouer la mécanique implacable de sa démonstration. L'amour est-il aveugle ? Oui, répond le démiurge Nabokov. La variation sur l'adultère devient alors une cruelle parodie où Gogol et Tolstoï passent comme des ombres. Le roman s'élargit en une fable intemporelle, les couleurs de la vie se fanent et se fondent bientôt dans une nuit noire sans lune. Pourtant, dans l'obscurité quelqu'un rit.
«De tous mes livres russes, La défense Loujine est celui qui contient et dégage la plus grande chaleur - ce qui peut paraître curieux, sachant à quel suprême degré d'abstraction les échecs sont supposés se situer. En fait, Loujine a paru sympathique même aux gens qui ne comprennent rien aux échecs et/ou détestent tous mes autres livres. Il est fruste, sale, laid - mais comme ma jeune fille de bonne famille (charmante demoiselle elle-même) le remarque si vite, il y a quelque chose en lui qui transcende aussi bien la rudesse de sa peau grise que la stérilité de son génie abscons.»Vladimir Nabokov.
Voici l'autobiographie de Vladimir Nabokov, dans l'édition révisée et augmentée parue aux États-Unis sous le titre Speak, Memory, an Autobiography revisited et comprenant la préface inédite de sa traduction russe. De toutes ses oeuvres écrites en anglais, l'auteur n'a choisi de retraduire lui-même en russe que celles qui lui tenaient particulièrement à coeur : Lolita et Autres rivages. Livre nostalgique sur une Russie disparue, Autres rivages restitue avec une magie éblouissante l'enfance de l'auteur et son exil européen : «Comme le cosmos est petit (une poche de kangourou le contiendrait), comme il est dérisoire et piteux comparé à la conscience humaine, à un seul souvenir d'un individu et à son expression par des mots ! Peut-être suis-je attaché à l'excès à mes toutes premières impressions, mais après tout je leur dois de la reconnaissance. Elles m'ont montré le chemin d'un véritable Eden de sensations visuelles et tactiles.»
Vladimir Nabokov et sa femme Véra se sont rencontrés en 1923, à Berlin, où leurs familles avaient fui le pouvoir bolchevique. Tout au long du demi-siècle que dure leur mariage, ils ne sont séparés que rarement, mais alors il lui écrit abondamment. Dans cette correspondance à sens unique - Véra ayant détruit ses propres lettres -, on lit la passion de Nabokov pour sa femme, son quotidien dans le milieu de l'émigration russe à Berlin, les bouleversements auxquels tous deux sont confrontés dans leur vie matérielle et affective, le dénuement qui est le sien lors de ses débuts à Paris, l'intérêt croissant éveillé par son oeuvre auprès des éditeurs et d'un public éclairé, le soutien indéfectible que lui apporte Véra. Ces lettres, outre ce qu'elles révèlent sur l'homme, nous font découvrir le laboratoire de l'écrivain - son énergie créatrice, la pléthore de sujets qui surgissent et disparaissent, l'intensité de son travail - et l'on y reconnaît l'originalité de son style : sa veine parodique, poétique, sa vivacité et ses jeux de mots.Par-delà le seul intérêt biographique, une jubilation de l'écriture, une fantaisie enflammée et le fantôme désirable de la femme qui inspira ces mots. Éric Chevillard, Le Magazine littéraire.Une correspondance hautement délectable, tant s'y déploient le style proprement enchanteur de l'écrivain, la grâce surnaturelle des détails et des métaphores parfaites. Nathalie Crom, Télérama.Édition établie par Olga Voronina et Brian Boyd.Traduit du russe et de l'anglais par Laure Troubetzkoy.
«Cette oeuvre - faut-il dire centaure ou sirène -, oeuvre mi-prose, mi-poème, est une création d'une beauté, d'une originalité parfaites : offrant tout à la fois la symétrie, la singularité et la vérité morale. On y peut voir un objet de curiosité. Ce n'en est pas moins une des plus grandes oeuvres d'art de ce temps : le roman moderne que nous croyions mort et qui n'était qu'endormi.» Mary McCarthy.
«La méprise, dans un esprit de parenté absolu avec le reste de mes livres, n'a aucun commentaire social à faire, ni aucun message à accrocher entre ses dents. Ce livre n'exalte pas l'organe spirituel de l'homme et n'indique pas à l'humanité quelle est la porte de sortie. Il contient bien moins d'idées que tous ces plantureux et vulgaires romans que l'on acclame si hystériquement dans la petite allée des rumeurs entre les balivernes et les huées. [...]Hermann et Humbert sont identiques comme deux dragons peints par le même artiste à différentes périodes de sa vie peuvent se ressembler. Tous deux sont des vauriens névrosés; cependant il existe une verte allée du Paradis où Humbert a le droit de se promener à la nuit tombée une fois dans l'année; mais l'Enfer ne mettra jamais Hermann en liberté surveillée.»Vladimir Nabokov.
«J'ai retenu trois figures, toutes de coeur, tandis que j'écartais une partie de moindre importance. Les deux nouvelles cartes qui m'ont été distribuées pouvaient justifier la manoeuvre, car j'ai toujours eu la main heureuse au poker. Discret, furtif, pointant à peine à travers la fumée piquante du tabac, le bord d'une carte se fraye un chemin sous mon pouce. As de coeur - qu'on appelle coeur de grenouille en Californie. Et les grelots du joker ! Il ne me reste qu'à espérer que mes bons vieux partenaires dont les jeux regorgent de quintes et de mains pleines penseront que je suis en train de bluffer.»Vladimir Nabokov.
Vertige du premier émoi amoureux, fin de la liaison d'un adolescent avec une femme mariée, amour terrorisé d'une femme pour son terrible mari... Perceptions, angoisses, sensations... Exhumées des archives Nabokov et publiées à partir des années 1990 dans The New Yorker, de magnifiques nouvelles à la langue envoûtante et aux sonorités lumineuses.
Le Don n'est pas seulement un roman - autobiographique ou non - mais aussi une étude littéraire, un livre à l'intérieur d'un livre, dans lequel sont analysés minutieusement tous les mécanismes de la création, et les bases sur lesquelles elle repose:la mémoire, dans les poèmes sur l'enfance; l'imagination, dans la tentative d'interprétation concernant l'univers paternel; la réalité historique.
«Lorsque j'ai commencé à écrire Pnine, j'avais un projet artistique précis : créer un personnage comique, pas séduisant physiquement - grotesque, si vous voulez - et le faire ensuite apparaître, par rapport aux individus soi-disant normaux, comme, et de loin, le plus humain, le plus important, et, sur un plan moral, le plus séduisant. Quoi qu'il en soit, Pnine n'a vraiment rien du bouffon. Ce que je vous offre, c'est un personnage tout à fait nouveau dans la littérature - un personnage important et intensément pathétique - et en littérature, il naît des personnages nouveaux tous les jours.» Vladimir Nabokov, 1955.
Deux mois après la mort du célèbre romancier Sebastian Knight, son jeune frère entreprend d'écrire sa biographie, de démêler le vrai du faux d'une destinée hors du commun. Qui était Sebastian Knight? L'écrivain respecté, salué par ses pairs, ou l'homme secret profondément marqué par deux étranges histoires d'amour?Sous la forme d'une enquête haletante, le premier roman que Nabokov signa en anglais constitue une réflexion amère sur l'impossibilité de parvenir à connaître la vraie vie d'un autre être, fût-ce du plus proche.
Lorsque Machenka parut en anglais en 1970, les lecteurs y apprécièrent surtout les échos du premier amour de Nabokov, la «Tamara» de son autobiographie récemment révisée, Autres rivages. Mais pour le public, ce n'était pas tant un récit autobiographique qu'un portrait de l'exil. Nabokov est ici l'observateur scrupuleux de la vie d'émigré. Situé en avril 1924, quand les Russes fuyaient Berlin en masse, le récit montre Ganine en train de se préparer vaguement à partir de la France. Alfiorov, qui vient d'emménager dans la chambre voisine de celle de Ganine, se prépare à accueillir sa femme, bloquée depuis des années en Russie soviétique, qui doit le retrouver dans six jours, et compte bien l'installer dans la chambre de Ganine. Ganine découvre alors que la femme d'Alfiorov n'est autre que Machenka, son premier amour, avec qui il avait goûté en 1915 tous les délices d'une radieuse passion de jeunesse, jusqu'à ce qu'un an après ils se perdent de vue. En entendant de nouveau son nom, Ganine est brutalement sorti de son engourdissement et revit dans sa mémoire toute la félicité du passé, avec une violence qui efface le présent. Ganine décide de quitter Berlin avec Machenka et, la veille de son arrivée, enivre un Alfiorov surexcité jusqu'à ce qu'il s'effondre inconscient. Il se dirige alors vers la gare pour être le premier à retrouver Machenka et l'escamoter ensuite...
Lorsque l'Armée rouge menace de s'emparer de la Crimée, Martin et sa mère fuient en Europe de l'Ouest.
C'est à Cambridge que le jeune héros va faire ses études. Il y côtoie des Anglais, tel son ami Darwin, mais aussi des Russes, plus ou moins anglophiles. Il y retrouve surtout Sonia, sa jeune et intelligente cousine. Est-ce pour l'impressionner qu'il décide de transcender sa nature et imagine un projet inutile et fou ?
Adam Krug, professeur de philosophie de renommée internationale, perd sa femme et se retrouve seul tuteur de son fils. Leur amour est au centre de ce récit qui se déroule dans l'univers sombre de la dictature. Car Paduk, un ancien camarade de classe de Krug, a pris le contrôle de l'État. La raison et le sens commun désertent la nation.
Brisure à senestre, écrit en 1946, est une fiction inspirée des régimes totalitaires du XXe siècle que côtoya pour son malheur Vladimir Nabokov. Réalisme et onirisme noir s'orchestrent sans fausse note dans ce texte d'une richesse rare, illustrant plus que jamais la puissance de la littérature.
Cincinnatus C..., condamné à mort, est détenu dans une prison extraordinaire, nantie d'un personnel non moins bizarre. Importuné par d'étranges visiteurs qui viennent le tourmenter dans son cachot, chacun à sa manière, rongé par la peur du supplice dont il ignore la date, le détenu ne cesse de ruminer son cas : «Il n'est pas comme les autres : il reste imperméable à la lumière.» À la suite d'un ultime cauchemar, sonne l'heure du supplice. Mais, avant que le bourreau n'ait achevé son geste fatal, Cincinnatus se relève du billot, descend les marches de l'échafaud et se dirige du côté «où se tiennent les êtres semblables à lui».
Alors que le taxi qui l'a amené de Trux à Witt s'arrête devant l'hôtel Ascot, Hugh Person, éditeur américain entre deux âges, évoque ses trois séjours précédents dans cette minable station des Alpes suisses. Le premier, dix-huit ans plus tôt, a été marqué par deux événements tout aussi lugubres dans son souvenir : la mort de son père et sa première expérience sexuelle (avec une prostituée). Quelques années plus tard, invité à se rendre une deuxième fois en Suisse pour travailler avec un écrivain célèbre, Mr. R..., Hugh rencontre Armande, fille capricieuse d'un architecte belge et d'une Russe exilée, et tombe éperdument amoureux d'elle. Un meurtre, de nombreux cauchemars, une fructueuse entrevue avec un psychiatre et quelques incendies réels ou rêvés complètent la trame de ce voile transparent à travers lequel brille le passé...
Le Guetteur, écrit à Berlin en 1930, se déroule en un temps où, par suite des bouleversements de la révolution, les frontières sociales sont particulièrement incertaines et les masques encore mal assujettis dans la petite société de l'émigration russe. L'évocation de ce milieu pittoresque n'est toutefois pas le seul sujet du livre. Ce serait plutôt le vertige qui s'empare de Smourov lorsqu'il cherche à se définir. Smourov a une revanche à prendre sur la vie et voudrait désespérément imposer une image de lui, n'importe laquelle, pour se sentir exister. Mais il n'y a pas de réalité pour l'homme seul, et Smourov ne possédera jamais d'autre certitude que celle d'être un guetteur.
Kretchmar, respectable et rangé, tombe amoureux d'une jeune fille, Magda. Pour la suivre, il rompt avec sa femme. Il voit mourir son enfant et sombre dans la folie. Dans Chambre obscure (1932), Nabokov dépeint la longue descente aux enfers des amours impossibles.
Nouvelles extraites de La Vénitienne et autres nouvelles
In Pale Fire Nabokov offers a cornucopia of deceptive pleasures: a 999-line poem by the reclusive genius John Shade; an adoring foreword and commentary by Shade's self-styled Boswell, Dr. Charles Kinbote; a darkly comic novel of suspense, literary idolatry and one-upmanship, and political intrigue.
No marriage of a major twentieth-century writer is quite as beguiling as that of Vladimir Nabokovs to Véra Slonim. She shared his delight at the enchantment of lifes trifles and literatures treasures, and he rated her as having the best and quickest sense of humor of any woman he had met. From their first encounter in 1923, Vladimirs letters to Véra chronicle a half-century-long love story, one that is playful, romantic, and memorable. At the same time, the letters reveal much about their author. We see the infectious fascination with which Vladimir observed everything--animals, people, speech, landscapes and cityscapes--and glimpse his ceaseless work on his poems, plays, stories, novels, memoirs, screenplays, and translations. This delightful volume is enhanced by twenty-one photographs, as well as facsimiles of the letters and the puzzles and drawings Vladimir often sent to Véra. With 8 pages of photographs and 47 illustrations in text