Les contes, au sein d'une culture orale, expriment un discours que la société se tient à elle-même, par la parole des femmes ou des hommes qui, aux veillées, l'enseignent aux enfants. Fondés sur la somme des connaissances communes à tout un peuple, ces textes portent à la fois un mode d'appréhension du monde, un système de valeurs et de représentations, ainsi qu'une idéologie partagés par l'ensemble de la communauté.
La réflexion de Camille Lacoste-Dujardin a été stimulée par une spécificité de la littérature kabyle en contes : le rôle de l'adulte effrayant y est tenu par une femme, une ogresse. La question centrale qui paraît occuper l'imaginaire de la culture kabyle est celle de la place des femmes dans la société. C'est ce que montre la quasi totalité des contes présentés et commentés ici.
Le grand sociologue Pierre Bourdieu a fondé son étude de La Domination masculine (1998) sur l'exemple de la société kabyle, qu'il perçoit comme une « archéologie objective de notre inconscient » où les femmes auraient « incorporé » la « domination masculine » - interprétation rejoignant celles d'autres chercheurs imputant aux femmes un « consentement à la domination ». Étudiant en ethnologue depuis près d'un demi-siècle la culture kabyle, Camille Lacoste-Dujardin a pu constater à quel point ses observations contredisaient cette vision. C'est ce qui l'a conduit à approfondir dans ce livre l'analyse de cette réalité complexe, en se plaçant résolument du côté des « dominées » jusque-là si négligées.
L'auteur montre ainsi comment celles-ci, avec une lucidité et une vaillance exemplaire, ont construit en Kabylie une « science des femmes », où la résistance s'est muée en contre-attaque : elle s'exprime dans les contes que les mères inculquent aux enfants, où l'adulte effrayant est l'ogresse teryel, expression extrême de la rébellion féminine aux contraintes masculines que cette femme sauvage dénonce en chacun de ses actes. Mieux, ces femmes kabyles obligent les hommes à admettre la supériorité féminine par une collaboration dans maints domaines. Elles en viennent à contester la règle patriarcale par des contre-pouvoirs, jusque dans le domaine de la parenté que les hommes prétendent confisquer.
Cette exemplarité féminine a perduré dans la montagne kabyle grâce à ces femmes, dont quelques-unes sont des héroïnes nationales. Aujourd'hui, leurs descendantes poursuivent avec la même vaillance le combat pour la reconnaissance de leurs droits et de leur participation à la société, dans les difficiles circonstances de l'Algérie actuelle.
Alors que le gaulois, par exemple, a disparu après quelques siècles de romanisation, la langue et la culture berbères, après treize siècles d'arabisation, se maintiennent vivantes depuis la préhistoire, au Sahara et surtout, dans les montagnes d'Afrique du Nord proches de l'Atlantique et de la Méditerranée.
C'est en Kabylie, comme parmi les nombreux Kabyles vivant en France, que cette culture berbère suscite aujourd'hui le plus d'intérêt, avant tout parmi les jeunes, avides de découvrir et de comprendre les réelles richesses de leur patrimoine culturel et historique. Ce dictionnaire entend précisément répondre à leurs préoccupations, comme à celles du plus large public. Il est l'oeuvre d'une ethnologue qui depuis près d'un demi-siècle, contribue à la connaissance et à la sauvegarde de la culture kabyle.
Il offre à toutes les curiosités son presque millier d'articles, depuis aarch (tribu) jusqu'à zwawa (qui a donné les " zouaves " de l'armée française). Il détaille un nombre d'éléments de cette culture berbère en Kabylie : les formes d'organisation économique, sociale et politique - comme par exemple la conception kabyle de la démocratie - et nommément chacune des anciennes tribus. Il décrit aussi les étapes de la vie, les fêtes et les rites, les coutumes, les activités, les arts, jusqu'aux objets de culture matériels spécifiquement berbères que sont le couscous (seksu) ou le burnous (abernus).
Les grands hommes ou femmes qui ont fait l'histoire kabyle, les héros, les poètes, les charters ne sont pas oubliés. Sont également pris en compte l'histoire et les changements de l'Algérie contemporaine : la guerre crin d'indépendance, l'émigration et les mouvements politiques d'aujourd'hui. Ainsi, ce dictionnaire s'adresse a tous ceux qui se soucient des problèmes actuels du Maghreb.
Elles sont filles de parents maghrébins immigrés en France. Leurs pères sont ouvriers, artisans, chômeurs ou retraités, l'un fut officier de gendarmerie. Elles sont nées à Nanterre, à Bobigny, Sartrouville, à Paris dans le vingtième, dans la banlieue nantaise ou à Roubaix et y ont grandi. Elles ont dix-huit à vingt-sept ans, sont lycéennes, étudiantes, animatrices, secrétaires, restauratrices ou " au chômage ". Quelques-unes ont un compagnon, l'une est mariée, une autre divorcée, la plupart sont célibataires. Elles sont mes amies. Trois d'entre elles sont mes nièces adoptives depuis vingt ans déjà. Toutes ont parlé sans réticence, contentes d'être écoutées par une auditrice attentive, française, ethnologue, spécialiste de la culture de leurs parents, ainsi à même de comprendre leurs difficiles et douloureux problèmes. En effet, elles sont partagées, parfois déchirées entre leurs aspirations personnelles de jeunes femmes en France et le désir, bien différent, de leurs parents, qui auraient voulu les voir devenir ces " femmes bien ", modèle de femme maghrébine. Diverses ont été leurs conditions de vie, divers leurs rapports avec parents et frères, leurs connaissances de la religion, du Maghreb, leurs scolarités, leurs activités et relations éventuelles hors de la maison paternelle, leurs attitudes envers l'autre sexe, leurs propres désirs de famille et d'enfant, leurs problèmes d'identité et de nationalité, enfin pour certaines d'entres elles déjà, leur participation à la vie active en France. À travers leurs discours sur toutes ces questions - une centaine d'heures d'entretiens -, sont analysées les conditions et les circonstances, les constances et les variables susceptibles de freiner ou de favoriser leurs dispositions à l'intégration.
Ce dialogue est, sous forme de récit, l'histoire de la relation établie entre deux femmes : une ethnologue qui travaille au Maghreb, particulièrement dans les montagnes où l'on parle berbère, et une Algérienne de Kabylie, émigrée à Paris. Au cours de leurs entretiens hebdomadaires et durant sept années, elles ont appris à se connaître mutuellement, mais aussi elles se sont influencées, modifiées réciproquement, en échangeant leurs expériences, leurs savoirs. Ce récit est un double témoignage : sur les rapports de deux femmes différentes par leurs cultures d'une part, sur l'importance qu'il convient d'accorder à la " relation ethnologique " d'autre part, celle qui est établie, dans l'exercice de cette discipline, entre l'enquêteur et l'enquêté.
(Cette édition numérique reprend, à l'identique, l'édition de 2002)
Au début de la guerre d'Algérie ", à l'automne 1956, fut tentée, par les services secrets français, en Kabylie, chez les Iflissen Lebhar, l'opération " Oiseau bleu ". Elle consistait dans la création de " contre-maquis " clandestins destinés à discréditer le FLN. Or, c'est à l'avantage de ce dernier qu'à tourner cette affaire, les hommes recrutés et armés par les services français s'étant révélés être des " rebelles ". L'auteur, ethnologue, spécialiste de l'Algérie, a réussi non seulement à élucider cette étrange affaire, mais à en analyser les raisons profondes.
" Une longue familiarité avec les sociétés maghrébines ne m'avait guère permis d'avancer véritablement dans la compréhension des difficiles et délicats rapports entre hommes et femmes. Entre parents et enfants. Entre individu et société. Une conjoncture particulière devait m'ouvrir la voie. J'eus en effet la chance d'être mêlée de près au mariage de deux Algériens : un parisien et une Algéroise. Mon implication dans cet événement et l'urgence, pour moi, d'une clarification indispensable pour me permettre de sortir d'un malaise, me contraignirent à la réflexion. C'est ainsi qu'à cette occasion, je pus enfin commencer à dénouer l'écheveau des multiples contradictions interindividuelles au sein du lignage et tenter de comprendre d'abord comment, dans une société patrilignagère et patriarcale, de domination affirmée des hommes sur les femmes, une catégorie de femmes, les mères de garçons, avaient pu jouer le rôle de grandes prêtresses de cette domination des hommes et de l'oppression des femmes. La démarche suivie ici reprend mon cheminement personnel, allant du récit de l'expérience particulière à la construction d'un modèle dont la force permet de mesurer les difficultés considérables vécues par des hommes et des femmes soumis à l'emprise de cette idéologie patrilignagère et patriarcale encore très vivante au Maghreb, et dont les traces ne sont pas non plus toutes disparues de nos propres représentations au nord de la méditerranée. " Camille Lacoste-Dujardin.
(Cette édition numérique reprend, à l'identique, l'édition poche de 1996.)
En termes simples et sous la forme d'un récit de voyage, nous entreprenons un parcours initiatique à travers la Kabylie : au fil d'un itinéraire à travers la montagne kabyle, c'est la découverte des paysages, des villes et villages dans leurs formes anciennes et actuelles, de l'économie montagnarde, de l'organisation sociale traditionnelle, des qualités guerrières des Kabyles, de la préhistoire, de leurs mythes, de leurs techniques, etc.