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Julien Gracq
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Ce court récit inédit de Julien Gracq met en scène une fascination. C'est la vision initiatrice, brève mais répétée, d'une demeure, aperçue à chaque trajet depuis un car traversant la campagne pendant l'Occupation, qui pousse le narrateur à se mettre en route, cheminant seul dans les sous-bois pour s'approcher de la maison. À travers le récit de ce parcours aussi sensuel et contemplatif qu'intériorisé, La Maison déplie, comme une intrigue, la naissance d'un désir.
« Le soir tombait plus vite qu'ailleurs sur l'égouttement de ces fourrés sans oiseaux. Leurs bruits légers et distincts :
Craquements de branches, sifflement faible du vent dans un pin isolé, éteignaient les bruits insignifiants de la campagne - au long d'eux, dans la brume pluvieuse, on marchait comme dans une ombre portée : la route tout entière feutrée et épiante, n'était plus qu'une oreille collée contre la lisière des bois. [...] Après quelques allées et venues assez incertaines au long de la route, l'envie me vint une minute, devant cet obstacle absurde, de renoncer à mon équipée - mais la curiosité fut la plus forte. » -
Troisième roman de Julien Gracq, le plus célèbre, le plus "analysé". Primé au Goncourt 1951 : Julien Gracq refusera le prix. (Pour cette fameuse "affaire" - dont La littérature à l'estomac était déjà une réponse anticipée -, voir l'article de Bernhild Boie, page 1359 du premier tome de la Pléiade consacrée à Julien Gracq).
Aldo, à la suite d'un chagrin d'amour, demande une affectation lointaine au gouvernement d'Orsenna. S'ensuit alors la marche à l'abîme des deux ennemis imaginaires et héréditaires. Les pays comme les civilisations sont mortels. C'est à ce fascinant spectacle que Julien Gracq nous convie ici. Cette insolite histoire de suicide collectif laisse une subtile et tenace impression de trouble.
"Ce que j'ai cherché à faire, entre autres choses, dans Le Rivage cles Syrtes, plutôt qu'à raconter une histoire intemporelle, c'est à libérer par distillation un élément volatil "l'esprit-de-l'Histoire", au sens où on parle d'esprit-devin, et à le raffiner suffisamment pour qu'il pût s'enflammer au contact de l'imagination. Il y a dans l'Histoire un sortilège embusqué, un élément qui, quoique mêlé à une masse considérable d'excipient inerte, a la vertu de griser. Il n'est pas question, bien sûr, de l'isoler de son support. Mais les tableaux et les récits du passé en recèlent une teneur extrêmement inégale, et, tout comme on concentre certains minerais, il n'est pas interdit à la fiction de parvenir à l'augmenter.
Quand l'Histoire bande ses ressorts, comme elle fit, pratiquement sans un moment de répit, de 1929 à 1939, elle dispose sur l'ouïe intérieure de la même agressivité monitrice qu'a sur l'oreille, au bord de la mer, la marée montante dont je distingue si bien la nuit à Sion, du fond de mon lit, et en l'absence de toute notion d'heure, la rumeur spécifique d'alarme, pareille au léger bourdonnement de la fièvre qui s'installe. L'anglais dit qu'elle est alors on the move. C'est cette remise en route de l'Histoire, aussi imperceptible, aussi saisissante dans ses commencements que le premier tressaillement d'une coque qui glisse à la mer, qui m'occupait l'esprit quand j'ai projeté le livre. J'aurais voulu qu'il ait la majesté paresseuse du premier grondement lointain de l'orage, qui n'a aucun besoin de hausser le ton pour s'imposer, préparé qu' il est par une longue torpeur imperçue."
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Au château d'Argol est le premier roman de Julien Gracq, le premier roman surréaliste tel qu'André Breton le rêvait. Les sens irrigués par les lieux et les espaces sont l'image la plus exacte des relations entre les êtres, Albert le maître d'Argol, Herminien son ami, son complice, son ange noir, et Heide, la femme. Tout autour, sombre, impénétrable, la forêt. Tout près, l'océan.
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1939, ce sont les premiers mois de ce que l'on appellera la drôle de guerre. Période de suspens, d'attente particulièrement dans les Ardennes où l'aspirant Grange a pour mission d'arrêter les blindés allemands si une attaque se produisait. A la fois île déserte et avant-poste sur le front de la Meuse où montent des signes inquiétants.
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En 1980, au moment de la parution de En lisant en écrivant, Angelo Rinaldi, dans « L'express », souligna que Julien Gracq figurait parmi les contrebandiers habiles à faire passer les « frontières séparant les époques ». Plus de 40 ans après, ce constat reste d'actualité, comme si le temps avait eu peu de prise sur ses fragments, toujours devant nous.
Ce qui est frappant avec les textes inédits rassemblés ici, par Bernhild Boie, son éditrice en Pléiade, c'est qu'il est aussi étonnant dans le grand angle (ses centres d'intérêt sont aussi bien historiques que géographiques) que dans le plan rapproché (tous ses textes sur des paysages ou des événements) ou le gros plan (certains textes sur des écrivains, des villes ou des phénomènes littéraires).
Gracq est un observateur pénétrant, sensible, perspicace. Aucune nostalgie ou lamentation dans cette vision du monde. Avec une liberté de ton et de regard inimitables, il nous invite à revoir à neuf nos propres jugements sur l'histoire, les écrivains, les paysages, l'accélération du temps, la détérioration de la nature, le passage des saisons, les jardins potagers, la vieillesse, le bonheur de flâner comme celui de lire.
Cette lucidité sereine donne d'ailleurs à certains fragments une allure prophétique :
(...) la Terre a perdu sa solidité et son assise, cette colline, aujourd'hui, on peut la raser à volonté, ce fleuve l'assécher, ces nuages les dissoudre. Le moment approche où l'homme n'aura plus sérieusement en face de lui que lui-même, et plus qu'un monde entièrement refait de sa main à son idée - et je doute qu'à ce moment il puisse se reposer pour jouir de son oeuvre, et juger que cette oeuvre était bonne.
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Carnets du grand chemin est un recueil d'essais et de notes de lecture de Julien Gracq, tirées des "cahiers de l'auteur" sur le modèle de ses Lettrines. Consacrées souvent à des "paysages de la terre?"?, elles évoquent aussi des souvenirs autobiographiques et des rêves.
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Oeuvres complètes Tome 1
Julien Gracq
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 4 Avril 1989
- 9782070111626
Il est des dates insolentes qui ont des éclats d'orage. La publication des écrits de Julien Gracq dans la Pléiade en est une. Oeuvre hautaine et solitaire, elle est celle d'un navigateur des grandes profondeurs, d'un rêveur aux yeux noyés d'eau. Gracq s'est expliqué sur cette dérive vers des lieux singuliers où pousse «la plante humaine». «Zone hautement dangereuse, zone de haute tension», tels sont les bois d'Argol ou les roselières des Syrtes, avec leur air rare, «chargé d'une pureté mortelle», crépitant comme «un boulier de cristal», leurs places fortes clôturées de forêt et de mer, leur silence de «planète dévastée». Mais, au seuil de ces zones qu'il faudra investir par effraction, le regard de Gracq est un regard de ravage. [...] Dans cette géographie remarquablement maîtrisée des romans, des poèmes, des essais, c'est la même carte livrant ses lisières et ses lignes de passage : une «fraîcheur aux tempes», un pressentiment qui affole les boussoles, un «chemin de foudre», un silence «douceâtre de prairie d'asphodèles», un bois dormant «que l'air léger des rêves infuse d'un bleu d'encens». Oeuvre de la patience, du secret et de l'écart, elle a l'étrange beauté des oeuvres à jamais «battantes comme des portes».
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Le titre de cette oeuvre est le plus explicite des quatrième de couverture ; l'absence de virgule entre les deux gérondifs rend le glissement de l'un à l'autre logiquement équivalant, tant il est vrai qu' "on écrit d'abord parce que d'autres avant vous ont écrit".
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Un beau ténébreux est un roman des astres et de la catastrophe, c'est-à-dire du destin sur fond de vacances et de dérive du temps ; vacuité des personnages en attente, dans un théâtre vide. L'arrivée d'Allan va déclencher un maelström où tous les personnages vont perdre la tête. Allan est venu sceller le destin. Tout dorénavant se déplacera par rapport à lui. (Revue 303)
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"La forme" d'une ville est bien le titre, l'emblème, mais à l'image de la Loire, qui est à la fois la grande écartée et la grande présente du lieu (elle est le nom qui revient le plus souvent dans tout l'ouvrage), ce titre - et Julien Gracq y est explicite - livre le véritable secret de l'ouvrage : "forme", empreinte, forme que la ville [Nantes] a donnée, de manière capitale et durable à ce "je" qui parle, regarde et se souvient.
Revue 303.
La forme d'une ville raconte à son début une arrivée dans un monde claustral, elle dé "crit vers la fin un départ dans les rues fraîches e vides de l'aube, à la fois adieu à la ville et promesse d'avenir.
(Bernhild Boie).
Cela se passait pendant les années de la guerre de 1914-18 ; le tramway, la savonnerie, le défilé glorieux, majestueux, du train au travers des rues, auquel il ne semblait manquer que la haie des acclamations, sont le premier souvenir que j'ai gardé de Nantes. S'il y passe par intervalles une nuance plus sombre, elle tient à la hauteur des immeubles, à l'encavement des rues, qui me surprenait; au total, ce qui surnage de cette prise de contact si fugitive, c'est-montant de ses rues sonores, ombreuses et arrosées, de l'allégresse de leur agitation, des terrasses de café bondées de l'été, rafraîchies comme d'une buée par l'odeur du citron, de la fraise et de la grenadine, respiré au passage, dans cette cité où le diapason de la vie n'était plus le même, et depuis, inoublié - un parfum inconnu, insolite, de modernité. Et ce parfum reste lié, est toujours resté lié pour moi à une saison, saison élue, où tous les pouvoirs secrets, presque érotiques, de la ville se libèrent. J'ai aimé, certes, par la suite, le Nantes reclus, encapuchonné, des pesantes brumes d'hiver, le dé perforé, rougeoyant à tous ses trous, au coin des rues, du brasero des marchands de marrons grillés et des marchands de galettes de blé noir. Mais l'été reste pour moi, depuis mon premier contact avec elle, la saison fatidique de la ville qu'on a appelée Nantes la Grise. Dès que les chandelles roses et blanches des marronniers commencent à illuminer les Cours, dès que les feuilles des magnolias du Jardin des Plantes retrouvent leur luisant neuf, ces indices à peine perceptibles de la saison élue me montent à la tête, et ce que même l'explosion orchestrale du printemps de la campagne ne pourrait me faire éprouver, le simple sentiment de la soudaine mollesse de l'air le réalise: la chaleur sensuelle d'un lit défait se répand et coule pour moi à travers les rues.
Gracq, La Forme d'une ville, extrait.
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«Je n'ai jamais été à Rome», écrivait Julien Gracq dans Lettrines 2, et il poursuivait : «Un jour ou l'autre me verra bien sur ses chemins, puisqu'il paraît que tous y mènent, mais qu'y trouverai-je ?» Cette probabilité, envisagée sans excès d'enthousiasme, trouva à se réaliser au printemps 1976. (Bernhild Boie)
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Texte célèbre datant de 1949, publié d'abord dans la revue Empédocle, La littérature à l'estomac demeure plus que jamais, cinquante ans après sa sortie, d'actualité.
Ce qui énervait Julien Gracq dans le milieu littéraire, tant celui des critiques que de certains écrivains, n'a fait que prendre, depuis, une plus grande ampleur car ce qui fait aujourd'hui d'abord un livre, c'est le bruit : pas celui d'une rumeur essentielle qui sourdrait de l'oeuvre elle-même mais celui des messages accompagnant sa sortie. L'inextinguible besoin de "nouveau" et la vitesse se sont ligués contre lui.
Ce texte figure en édition séparée et dans le recueil Préférences.
La première chose dont la critique s'informe à propos d'un écrivain, ce sont ses sources. Hélas ! (mais cette vérité navrante, il ne faut la glisser qu'à l'oreille), voici qui lui complique la vie: l'écrivain n'est pas sérieux. Le coq-à-l'âne, en matière d'inspiration, est la moindre de ses incartades. J'en donnerai un exemple personnel. Quand je fis jouer une pièce, il y a une quinzaine d'années, la suffisance des aristarques de service dans l'éreintement (je ne me pique pas d'impartialité) me donna quelque peu sur les nerfs, mais, comme il eût été ridicule de m'en prendre à mes juges, une envie de volée de bois vert me resta dans les poignets. Quelques semaines après, je me saisis un beau jour de ma plume, et il en coula tout d'un trait La Littérature à l'estomac. MM. Jean-Jacques Gautier et Robert Kemp, - faisant de moi très involontairement leur obligé - m'avaient fourni le punch qui me manquait pour tomber à bras raccourcis sur les prix littéraires et la foire de Saint-Germain, qui n'en pouvaient mais - cas classique du passant ahuri, longeant une bagarre, qui se retrouve à la pharmacie pour crime de proximité.
Julien Gracq, Lettrines, p. 33 et suivante.
[...] le Français, lui, se classe au contraire par la manière qu'il a de parler littérature, et c'est un sujet sur lequel il ne supporte pas d'être pris de court : certains noms jetés dans la conversation sont censés appeler automatiquement une réaction de sa part, comme si on l'entreprenait sur sa santé ou ses affaires personnelles - il le sent vivement - ils sont de ces sujets sur lesquels il ne peut se faire qu'il n'ait pas son mot à dire. Ainsi se trouve-t-il que la littérature en France s'écrit et se critique sur un fond sonore qui n'est qu'à elle, et qui n'en est sans doute pas entièrement séparable : une rumeur de foule survoltée et instable, et quelque chose comme le murmure enfiévré d'une perpétuelle Bourse aux valeurs. Et en effet - peu importe son volume exact et son nombre - ce public en continuel frottement (il y a toujours eu à Paris des " salons " ou des " quartiers littéraires ") comme un public de Bourse a la particularité bizarre d'être à peu près constamment en " état de foule "): même happement avide des nouvelles fraîches, aussitôt bues partout à la fois comme l'eau par le sable, aussitôt amplifiées en bruits, monnayées en échos, en rumeurs de coulisses[...].
Julien Gracq, extrait de La littérature à l'estomac.
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Oeuvres complètes ; Tome 2
Julien Gracq
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 24 Octobre 1995
- 9782070112876
«J'ai travaillé une fois à un livre qui n'a pas abouti, et dont j'ai extrait, pour le publier, le fragment de «La Route». Pour le reste, pas de projets qui n'auraient pas été menés à leur fin, pour la raison assez simple que je n'ai jamais eu de projets échelonnés dans le temps à venir. Mon projet, c'est l'ouvrage auquel je travaille, et je n'en ai guère d'autre, simultanément. Il m'est d'ailleurs arrivé dans les dernières années que des livres se sont faits d'eux-mêmes, en se passant tout à fait de projet : je pense aux deux Lettrines, à En lisant en écrivant, composés de notes prises au jour le jour. Avec cette façon de procéder, la perspective que je peux avoir sur ce que j'ai fait change quelque peu avec chaque nouveau livre, d'autant plus qu'il n'y en a pas tellement. Il y a eu dans les dernières années des livres de "littérature fragmentaire" que je n'aurais pas prévus, et qui changent un peu l'équilibre. Au surplus, un écrivain est surtout sensible à l'évolution de son écriture, qui l'éloigne de ses premiers livres : à partir du Balcon en forêt, il me
semble que cette écriture se stabilise davantage. J'ai le vif sentiment, pour mes premiers livres, d'étapes d'immaturité personnelle que j'ai
franchies l'une après l'autre. Ce n'est pas là un jugement : il y a des choses qu'il vaut mieux consommer un peu vertes, et d'autres un peu
blettes.» Julien Gracq. -
Ce recueil regroupe la plus grande partie des essais de Julien Gracq parus entre 1947 et 1960 dont La littérature à l'estomac.
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Trois récits composent ce volume :
La route (avait été publié par André Dalmas dans Le Nouveau Commerce, cahier 2, automne-hiver 1963, p. 7-23). Dans ce court texte, La Route, Julien Gracq signe une dérive onirique, sur décor de catastrophe et de civilisation - on pense au Rivage des Syrtes ou au Désert des Tartares de Buzzati - au coeur de ce sentiment d'amarres larguées qui est partout sa force et son objet romanesque.
La presqu'île ("c'est le tissu d'une page qui m'intéresse plutôt qu'une histoire", Julien Gracq, entretien avec Philippe Colas, 9 juin 1970). Durant les quelques heures qui le séparent de l'arrivée du train et d'une rencontre autant redoutée qu'espérée, Simon, sillonne en voiture la presqu'île de Guérande.
Le Roi Cophetua ("Mon dessein est de démontrer qu'aucun point de la composition ne peut être attribué au hasard ou à l'intuition, et que l'ouvrage a marché, pas à pas, vers sa solution, avec la précision et la rigoureuse logique d'un problème mathématique.", Julien Gracq, entretien avec Jean Daive, 19 février 1972.) Le Roi Cophetua est une sorte de court "roman", des plus singuliers dans toute l'oeuvre de Gracq. Il s'apparenterait assez aisément à quelque conte d'Edgar P?.
Le texte entier est l'histoire d'une attente ; et de son point inévitable d'accomplissement. Au bout de "l'aventure", le narrateur aura le sentiment exact de n'avoir fait que coller à quelque configuration, ou "scénario" préexistant.
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André Breton quelques aspects de l'écrivain Autour des sept collines Un balcon en forêt Un beau ténébreux Carnets du grand chemin Au château d'Argol Les eaux étroites En lisant en écrivant La forme d'une ville Lettrines Lettrines ii Liberté grande La littérature à l'estomac Penthésilée, de kleist, (théâtre) Préférences (critique) La prfsqu'ile Le rivage des Syrtes Le roi pêcheur (théâtre)
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En 1953 Gracq entreprend un roman qui se situe comme Le Rivage des Syrtes dans cette zone rêveuse où Histoire et mythe, imaginaire collectif et destins individuels s'entrelacent.
Il y travaille pendant trois étés. Travail difficile, hésitant qu'il abandonne en 1956 pour écrire Un balcon en forêt et dont témoignent les quelque 500 pages manuscrites du fonds Gracq à la BnF. Le récit que nous publions est très proche d'une version définitive, même si pour l'auteur il n'a pas trouvé sa forme dernière. C'est dans ce dossier que Gracq a prélevé les 25 pages de La Route.
Le roman se situe à une époque la fois historique et hors de l'histoire - quelque part aux limites d'un Moyen Age barbare. Il se développe autour d'une ville assiégée aux lointaines frontières d'un Royaume finissant. De loin en loin, la place forte reçoit le renfort de quelques volontaires qui, secouant l'inertie mortelle du Royaume, prennent clandestinement la route pour lui apporter quelque secours. C'est parmi eux que se trouve le narrateur, qui évoque tout d'abord les préparatifs du voyage, les incidents et périls de la marche, les haltes, les rencontres et, surtout, les paysages traversés.
La deuxième partie s'organise autour de la vie dans la ville assiégée, avec ses plaisirs et divertissements, toujours précaires face aux signes évidents d'un imminent cataclysme : « Une ville murée pour le néant ».
Mais la substance poétique du récit naît de la description des paysages à la lumière changeante des heures. Du haut des remparts, le narrateur regarde « la steppe rousse » aux pieds de la muraille, plus loin « le lac et ses rives de paille » et au-dessus, « pareils à un rêve de neige flotté sur un aveuglant regard bleu, les linges glacés, glorieux, éblouis » de la Haute Montagne.
Un royaume sur le point d'être envahi par les barbares et qui refuse obstinément d'envisager le pire, une forteresse en flammes, « l'herbe froide et poissée » d'un champ de bataille: tout comme le Rivage des Syrtes la fiction subrepticement nous ramène à notre temps, mais c'est ici le « poète noir », qui donne le ton. La pesante « montée de l'orage » des années d'avant guerre, se résout enfin « en pluie de sang ».
On est toujours tenté de présenter la publication posthume d'une oeuvre comme une découverte sensationnelle, qui change l'image établie d'un écrivain. Pourtant, ce récit ne bouleverse pas la vision que nous pouvons avoir de l'oeuvre de Julien Gracq. Mais il la complète d'une manière significative et nécessaire. Il conduit à une compréhension plus intime, plus précise, de l'écrivain, des chemins qu'il emprunte, de son regard sur le monde et de son imaginaire. Et, enfin, on sait désormais quel est le paysage romanesque que traverse La Route. Surtout, ce grand récit nous offre le cadeau inattendu d'un pur plaisir de lecture.
B. Boie
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Ces entretiens s'échelonnent sur plus de 30 ans, du premier avec J.L. de Rambures qui date de 1970 au dernier, avec Bernhild Boie, en 2001. La variété des interlocuteurs comme celle des questions aboutit à un ensemble où Julien Gracq s'exprime sur les sujets les plus variés :
- réflexions sur ses méthodes de travail, les processus comme sa conception de l'écriture, des personnages, du récit, du temps romanesque, de la littérature ;
- mises au point sur ses lectures, les influences d'autres écrivains, le rôle de sa formation de géographe et d'historien dans son travail d'écrivain, sa façon d'écrire, son esthétique, sa rencontre avec André Breton et le surréalisme ;
- confirmations de ses « préférences » en matière littéraire, musicale, cinématographique, remarques sur sa formation personnelle et sur certains des grands événements du siècle comme sur les paysages, l'histoire, la politique, le rôle de la critique. -
"Certes, il me dure d'être condamné à cette malédiction de l'épaisseur. Ce corps comme une outre plombée, pourrissant comme tout ce qui a ventre, et toute la servitude humaine dans ce mot, mot qui décapite les étoiles, le plus dérisoire, le plus clownesque que recèle le langage, graviter." Julien Gracq
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Extrait de l'avant-propos de Julien Gracq.
Il reste (...) que cette matière [de Bretagne] n'est pas épuisée, et que ce serait vraiment faire peu de confiance au pouvoir de renouvellement indéfini de la poésie la plus pure - la plus magique - que de le croire. Le cycle de la Table Ronde appartient à l'espèce de mythes la plus haute : il est par essence un de ces carrefours où les très petits déplacements du promeneur correspondent à chaque fois à un foisonnement de perspectives nouvelles. Vu sous un certain angle, il donne sur l'histoire du roi Saül et la légende du prêtre de Némi - sous un autre, Wagner a pu y voir une apologie de la pitié, et même assez curieusement, comme on sait, le prétexte à une prédication végétarienne. Il fournit l'archétype du " Bund " idéal, - de la communauté élective. Il noue une gerbe d'éléments concrets propre à matérialiser comme nulle autre le thème de la fascination. Reste au centre, au coeur du mythe et comme son noyau, ce tête à tête haletant, ce corps à corps insupportable-ici et maintenant, toujours-de l'homme et du divin, immortalisé dans Parsifal par la scène où le roi blessé élève le feu rouge du Graal dans un geste de ferveur et de désespoir qui figure un des symboles les plus ramassés que puisse offrir le théâtre - un instantané des plus poignants que recèle l'art - de la condition de l'homme, qui est, seul entre tous les êtres animés, de sécréter pour lui-même de l'irrespirable, et, condamné à ce tête à tête fascinant et interminable avec ce que de lui-même il a tiré de plus pur, de ne pouvoir faire autre chose que de répéter l'exaltante et désespérante formule : «Je ne puis vivre ni avec toi, ni sans toi.» La température d'orage que dégage ce tête à tête sans rémission est à elle seule d'une nature assez attirante, je le crois, pour conduire à donner au personnage d'Amfortas la place centrale : c'est de ce changement de perspective que je m'autorise pour le titre que j'ai donné à cette pièce. Dans ce nouvel éclairage, il m'a paru qu'il pouvait n'être pas sans intérêt de suivre une fois de plus le héros dans une démarche dont tout le mythe tend à démontrer qu'elle est au dernier point dangereuse et semée d'embûches, et de s'arrêter avec lui à quelques-uns des écueils dont sa route était jalonnée. Ces écueils sont de nature spirituelle et leur garde remise tout naturellement aux mains les grands naufrageurs. Le personnage du prêtre ne saurait se séparer de la silhouette essentiellement noire qui lui est échue dans une représentation populaire finalement bien avisée : il se présente ici sous deux formes : l'homme de sage, mais borné conseil, dont le héros trouve traditionnellement la main secourable - et vaine - tendue au bord le sa route au moment où il aborde le dernier tournant. L'autre a l'orgueil du gardien et du détenteur les objets sacrés : lieu de contact du divin et du terrestre, il a deux faces : par l'une il sécrète et répand l'ombre comme la seiche son encre, il embrouille, il est par vocation le grand avorteur - par l'autre il est le point d'attache à la terre d'un climat difficilement soutenable, le lieu d'un écartèlement absorbant, une de ces pierres de foudre exemplaires qui jalonnent une des frontières - et non la moins brûlante - de la condition humaine. Les propos qui lui sont prêtés souhaitent de n'emprunter quelque force qu à l'impartialité apparente, mais dans une certaine mesure loyale, que doit l'auteur à ses personnages, à partir du moment où il leur fait assez de crédit pour leur enjoindre de se manifester.
Si peu d'intérêt qu'en définitive cela représente, je tiens tout de même à dire que c'est Kundry qui porte mes couleurs.
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Avec Lettrines, si Julien Gracq inaugure un style d'écriture qui échappe à une définition classique, il ne paraît pas exagéré de penser qu'il renouvelle une forme d'expression originale - appréciée de certains romantiques allemands - que d'autres écrivains vont emprunter après lui. Littérature en fragments, aphoristique, c'est «un ensemble très libre, une mosaïque de notes de lecture, de réflexions, de souvenirs», dira-t-il dans une interview. Très éloignée de ce que peut être l'écriture du diariste - pas d'introspection ni d'extrait d'oeuvre en cours ou à venir -, les Lettrines proviennent de cahiers tenus au jour le jour.
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Oeuvres complètes Tome 1 et Tome 2
Julien Gracq
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 18 Juin 2010
- 9782070130382
Coffret de deux volumes vendus ensemble, réunissant des réimpressions récentes des premières éditions (1989, 1995)
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Ce livre est constitué de deux textes qui s'éclairent mutuellement. Les deux manuscrits figuraient sur deux cahiers différents, parmi le fonds important de textes dont, pour certains, Julien Gracq n'avait pas souhaité qu'ils soient publiés avant longtemps. Le premier texte est un Journal, qui commence le 10 mai et se termine le 2 juin 1940, écrit à la première personne. C'est un moment crucial de la guerre puisque, après la fameuse « drôle de guerre » et l'inaction qui a commencé à éprouver le moral des Français, l'offensive éclate, brutale. Le lieutenant Poirier (Julien Gracq) a été affecté sur le front et, avec ses hommes, se retrouvent d'abord le long de la frontière belge puis, soumis à des mouvements et des ordres contradictoires et souvent incohérents. Ce qui fascine dans ce Journal, tenu à chaud, c'est son aspect inéluctable et prémonitoire. Comment, en un temps aussi court, la défaite militaire a-t-elle été aussi rapide et totale. Comment se sont comportés les soldats français, belges, anglais sur ce mouchoir de poche. Comment est-on passé aussi rapidement à une véritable débâcle, les alliés étant encerclés dans la région de Dunkerque (Les Pays-Bas ayant capitulé le 15 mai, les Belges le 28. Seule une partie du corps expéditionnaire britannique et une petite partie des troupes françaises échapperont à l'étau allemand). Ce qui étonne enfin, outre cette description palpable d'une défaite annoncée, c'est l'acuité de la perception, tant des choses de la guerre que des rumeurs qui l'entourent, tant des comportements humains que du cadre où elle se déroule. Le second texte est un récit qui part de la réalité de ces souvenirs pour en faire une fiction, passionnante dans la mesure où l'on voit concrètement comment Julien Gracq passe de la réalité à la fiction (le récit commence le 23 mai) et pourquoi une distance beaucoup plus grande était nécessaire dans le temps, comme dans les circonstances, pour aboutir à la vision plus ample du Balcon en forêt, et non plus comme ici une interrogation sur le basculement des événements et le destin, sensibles dans les trois dernières phrases : « Pour devenir un reître, il lui semblait soudain qu'il ne fallait peut-être pas tant de choses. Non, vraiment pas tant de choses. Seulement trois ou quatre instantanés bien choisis ».
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