"L'air du temps, en accusant la science de n'être qu'un récit parmi d'autres, l'invite à davantage de modestie. On la prie de bien vouloir gentiment "rentrer dans le rang" en acceptant de se mettre sous la coupe de l'opinion". Etienne Klein - La philosophie des Lumières défendait l'idée que la souveraineté d'un peuple libre se heurte à une limite, celle de la vérité, sur laquelle elle ne saurait avoir de prise : les "vérités scientifiques", en particulier, ne relèvent pas d'un vote.
La crise sanitaire a toutefois montré avec éclat que nous n'avons guère retenu la leçon, révélant l'ambivalence de notre rapport à la science et le peu de crédit que nous accordons à la rationalité qu'il lui revient d'établir. Lorsque, d'un côté, l'inculture prend le pouvoir, que, de l'autre, l'argument d'autorité écrase tout sur son passage, lorsque la crédibilité de la recherche ploie sous la force de l'événement et de l'opinion, comment garder le goût du vrai - celui de découvrir, d'apprendre, de comprendre ? Quand prendrons-nous enfin sereinement acte de nos connaissances, ne serait-ce que pour mieux vivre dans cette nature dont rien d'absolu ne nous sépare ?
D'où vient l'univers ? Et d'où vient même qu'il y ait un univers ? Aura-t-il une fin ? Pourquoi les humains y sont-ils apparus ? Si ces questions nous obsèdent depuis toujours, celle de l'origine demeure la plus mystérieuse, la plus vertigineuse, d'où la profusion de discours - mythologiques, religieux ou philosophiques - qui tentent d'y répondre. C'est grâce à la science, aux découvertes de Newton, Galilée, Edwin Hubble, Alexandre Friedmann et Georges Lemaître, qu'on peut retracer le grand récit de l'univers, remonter son histoire à 13,7 milliards d'années, jusqu'à cette phase très dense et très chaude qu'on a appelée le big bang. Mais celui-ci n'est pas pour autant, comme on l'a imaginé, cette explosion originelle qui aurait créé tout ce qui existe. Cet instant zéro, peut-on le décrire, le penser, raconter d'où il peut bien provenir ? Et d'où serait venu l'univers d'avant le big bang ? Mystère ! Qu'il y ait eu origine ou pas, on ne part donc jamais de zéro. En parler, c'est parler de quelque chose qui était déjà là. Or, si quelque chose était déjà là, c'est bien qu'on ne parle pas de l'origine de l'univers, mais d'une étape de son histoire. Le début serait-il une question sans fin ?