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Jeanne Guizard
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J?essaye de vous aimer, vous, ma grand-mère inconnue. Je me mets à votre place à vous aussi. Je vous accompagne, là, tout près, pendant cette semaine terrible où vous êtes avec l?enfant pour la dernière fois. C?est un beau bébé qui est venu. Juste ce qu?il faut de peine, pas plus. Ce pourrait être parfait une fois encore à des yeux qui ne savent pas voir, ce deux juin qui vous fait mère pour la première fois. Il est le fruit de votre chair, votre prolongement dans le temps et dans l?espace. Vous lui donnez le sein, un beau tableau d?Utamaro. Rien ne manque au spectacle pour un oeil non averti. Le père, peut-être, qui ne s?est jamais manifesté? Cependant, on pourrait croire que le bonheur est là. Je regarde votre visage plus attentivement et je vois l?ombre du drame se promener imperceptiblement, de place en place, courir sur vos yeux, s?immobiliser un instant sur vos mains, passer du front de l?enfant à vos lèvres. Vous savez le besoin vital qu?il a de vous. Vous savez qu?il va mourir si vous ne lui donnez pas, dans la semaine qui vient, autant d?amour qu?en toute une vie. Une semaine pour toute une vie. C?est là votre gageure.
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Quelques brèves histoires pour s'amuser un peu du temps qui court, qui construit, qui détruit, qui déroule son fil dans la douceur ou dans la violence, qui vieillit les corps, affine les coeurs. Dire ainsi le temps permet de le sublimer et d'en atteindre la joie. ... « le présocratique nous sourit du haut de son ciel... il nous souffle que tout revient et qu'il faut nous calmer... le temps nous constitue... mais nous l'avons perdu... nous courons pour le rattraper... il faut le laisser revenir... nous réinstaller dans la douceur...
Jeanne Guizard était professeure d'arts après avoir été comédienne et professeure de philosophie. Elle a participé à plu-sieurs expositions de ses travaux. Elle est retraitée aujourd'hui et vit à Paris. Couverture : Piero Della Francesca, extrait de Adoration du bois de la Croix et Rencontre de Salomon et de la Reine de Saba. -
« Ce soir, comme un coup de cafard, comme une vague mortelle et submergente. La petite lumière qui peine à m'éclairer s'est éteinte. Je suis allée me coucher sans toi, sans ta force, sans ta chaleur. Je vais étendre mon corps jusqu'aux confins du lit sans te rencontrer. Il y aura le vide criant et le froid et tu n'y seras pas. Je vais encore pleurer, je sais que certains pensent, sans le dire, que je n'assume pas. Beaucoup de livres ont été écrits sur les larmes, preuve que cette manifestation n'est pas anodine ou puérile. Mes yeux sont des fontaines intarissables. Je n'arrive plus à en arrêter le flot qui brûle mes paupières. Car avec toi, je me reposais d'une longue tempête, d'une longue ago-nie. Avec toi, enfin je sommeillais et les anges étaient venus me visiter. Ils avaient remis ma terre en mouvement, elle recommençait à tourner. Mais ce soir, elle s'est de nouveau arrêtée, parce qu'elle tournait grâce à toi. »
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Ce « Journal d'Une Sexagénaire », un journal, une vision au jour le jour, qui se transforme en fiction, en coups de gueule, en cris d'alerte, en tout cas, en littérature.